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chiffres donnés par les statistiques ordinaires en ce qui concerne l’Angleterre, et, au contraire, plutôt accru que réduit ce qui concerne la France. David Low, le savant professeur d’agriculture à l’université d’Edimbourg, dans son Traité des animaux domestiques, publié il y a déjà plusieurs années, porté à 227 millions la valeur de la laine produite annuellement en Angleterre ; mais cette évaluation est évidemment exagérée ; le commentateur français de David Low évalue en même temps le produit des moutons anglais en viande à 640 millions de kilos, ce qui ne serait possible que si tous les moutons anglais étaient des Dishley. D’un autre côté, M. Moreau de Jonnès, dans sa statistique agricole faite sur des documens officiels, porte à 6 millions le nombre des têtes abattues en France, à 13 kilos la moyenne de rendement, et à 80 millions de kilos le produit total ; j’ai relevé toutes ces moyennes, qui m’ont paru trop basses.

On pressent aisément combien ce résultat, qui paraît déjà si grand pour les îles britanniques en général, doit devenir énorme quand il s’agit seulement de l’Angleterre proprement dite. L’Angleterre nourrit 2 têtes de moutons par hectare, tandis qu’en France la moyenne est des deux tiers d’une tête, et le produit des moutons anglais étant en outre le double de celui des moutons français, il s’ensuit que le revenu moyen d’une ferme anglaise en moutons est à surface égale six fois plus élevé que celui d’une ferme française.

Cette disproportion affligeante n’est pas vraie sans doute de quelques fermes françaises où l’éducation de l’espèce ovine est aussi savamment entendue qu’en Angleterre, où même on est en voie de dépasser nos voisins par le mélange intelligent du sang anglais et du sang mérinos. Il suffit de citer entre autres le magnifique troupeau de M. Pluchet à Trappes (Seine-et-Oise), celui de M. Malingié à La Charmoise (Loir-et-Cher), et les croisemens qui se poursuivent dans les bergeries de l’état, notamment d’Alfort ; mais il n’en est pas moins vrai que la France en général est restée fort en arrière. L’Irlande seule, dans les îles britanniques, a une richesse ovine égale à la nôtre ; l’Ecosse elle-même est au-dessus. Ajoutons que ces chiffres, déjà si frappans, sont loin de donner la mesure complète des avantages que l’agriculture anglaise retire de ses moutons ; il ne faut pas oublier que ce précieux animal ne donne pas seulement au cultivateur sa viande et sa laine, il l’enrichit encore par son fumier, et tout ce revenu est obtenu en améliorant encore le sol qui le produit. C’est en quelque sorte le beau idéal de la production rurale.

Si maintenant nous portons nos regards hors d’Europe, dans les colonies britanniques, nous y retrouvons l’éducation du mouton pratiquée à l’exemple de la mère-patrie avec une prédilection marquée. Ici la population étant plus rare et la richesse consistant surtout dans