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qu’au travers des rêves charmans du grand romancier écossais; mais si la plupart de ses sites méritent leur réputation par leur grandeur agreste, ces belles horreurs se soumettent peu à la culture. C’est un immense rocher de granit, tout découpé de cimes aiguës et de profonds précipices, et qui, pour ajouter encore à sa rudesse, s’étend jusqu’aux latitudes les plus septentrionales. Les highlands sont en face de la Norwége, qu’ils rappellent à beaucoup d’égards. La mer du Nord, qui les entoure et les pénètre de toutes parts, les bat de ses tempêtes éternelles; leurs flancs, sans cesse déchirés par les vents et tout ruisselans de ces eaux intarissables qui vont former à leurs pieds des lacs immenses, ne se couvrent que rarement d’une mince couche de terre végétale. L’hiver y dure presque toute l’année, et les îles qui les accompagnent, les Hébrides, les Orcades, les Shetland, participent déjà de la sombre nature islandaise. Plus des trois quarts de la Haute-Ecosse sont incultes; le peu de terre qu’il est possible de travailler a besoin de toute l’industrie des habitans pour produire quelque chose. L’avoine elle-même n’y mûrit pas toujours.

Où trouver en France l’analogue d’un pareil pays? Ce qui s’en rapproche le plus, c’est le noyau des montagnes centrales avec leurs ramifications qui couvrent une dizaine de départemens et vont se rattacher aux Alpes par-delà le Rhône, c’est-à-dire les anciennes provinces du Limousin, de l’Auvergne, du Vivarais, du Forez et du Dauphiné; mais les départemens des Hautes et des Basses-Alpes, les plus pauvres et les plus improductifs de tous, ceux de la Lozère et de la Haute-Loire, qui viennent après, sont encore bien au-dessus, comme ressources naturelles, des célèbres comtés d’Argyle et d’Inverness et du comté plus inaccessible encore de Sutherland. Cette supériorité est de plus en plus marquée dans ceux du Cantal, du Puy-de-Dôme, de la Corrèze, de la Creuse, de la Haute-Vienne, et elle devient tout à fait incommensurable quand on oppose aux meilleures vallées des highlands la Limagne d’Auvergne et la vallée du Grésivaudan, ces deux paradis du cultivateur jetés au milieu de notre région montagneuse.

La Basse-Ecosse elle-même est loin d’être partout susceptible de culture : de nombreuses chaînes la traversent et unissent les montagnes du Northumberland à celles des Grampians. Sur les 4 millions d’hectares dont elle se compose, 2 sont à peu près improductifs, les deux autres présentent presque partout, notamment autour d’Edimbourg et de Perth, les prodiges de la culture la plus perfectionnée; mais le sol n’est véritablement riche et profond que sur 1 million d’hectares environ, le reste est pauvre et maigre. Quant au climat, il suffit de rappeler qu’Edimbourg est à la même latitude que Copenhague et que Moscou. La neige et la pluie y tombent presque sans