Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/254

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de faibles majorités, et le projet échoua pour cette fois; mais bientôt d’autres motions plus générales et qui tendaient au même but vinrent prouver de nouveau que la question était mûre. Dunning, appuyé par Burke, obtint de la chambre quelques résolutions contre ceux de ses membres qui accepteraient de la liste civile des pensions ou des sinécures, et proposa de déclarer que l’influence de la couronne avait augmenté, qu’elle augmentait et qu’elle devait être restreinte.

C’est de cette époque, on peut le dire, que l’esprit de réforme devint en Angleterre sérieux et puissant. Jusque-là, les institutions de 1688 s’étaient maintenues sans changement essentiel. Peu d’abus graves avaient été supprimés; quelques abus nouveaux s’étaient introduits. La proposition d’abréger la durée du parlement ou de modifier la composition de la chambre élective avait été mise en avant comme l’expression des griefs plutôt que des vœux publics. On sentait qu’il manquait quelque chose à l’indépendance, à la pureté, à la responsabilité des assemblées, et, sans bien s’expliquer le mal, on y cherchait un remède. Burke, qui innova dans la politique par une morale plus sévère, contribua puissamment à déterminer un mouvement qu’il ne devait pas suivre dans toutes ses directions. Quoiqu’il exaltât en théorie l’utilité des partis et la valeur des engagemens qui les unissent, toute solidarité lui pesait, et il n’acceptait pas indistinctement tous les nouveaux mots d’ordre que se donnait l’opposition. Ainsi il avait refusé son concours à un comité du Buckinghamshire pour la réforme parlementaire : elle touchait, disait-il, au fondement de la constitution, et il la combattit même en plein parlement, mais il avait appuyé la motion présentée en faveur des catholiques par sir George Savile, un des défenseurs les plus respectés des idées de généreuse justice. Un bill avait, en 1778, aboli quelques-unes des incapacités qui pesaient sur ces moins populaires de tous les dissidens. Ce bill devint le prétexte et le cri des émeutes menaçantes qui, sous les auspices de lord George Gordon, troublèrent Londres en 1780. Burke, dans ces jours de désordre, se vit, au moment où il voulait entrer à Westminster, entouré par un attroupement, et, sommé violemment de rendre compte de sa participation à des actes hostiles à la religion protestante, il répondit sans détour ni faiblesse. Cependant, lorsqu’au mois de septembre il fallut se faire réélire, il eut à s’expliquer, devant les électeurs de Bristol, sur l’accusation de n’être qu’un Irlandais en matière religieuse comme en matière de commerce. Le cri de la passion : No popery, retentissait autour de Guildhall, où, devant un meeting nombreux, il se défendit noblement. Le vrai protestantisme, disait-il, n’était point l’oppression d’une église par une autre : si tel avait été le premier pas de la réformation, un second restait à faire, et le protestantisme ne serait réellement