La troisième partie, qui roule sur la beauté, est certainement beaucoup mieux traitée et mérite plus le titre de recherche philosophique. L’auteur, discutant les idées de Locke, de Shaftesbury, d’Hutcheson, établit avec développement que la beauté n’est ni la proportion, ni la convenance, ni la perfection, et, après avoir indiqué avec quelle réserve l’idée de beauté doit être appliquée, soit aux qualités de l’âme, soit surtout à la vertu, si l’on ne veut pas confondre le goût avec la morale, il prétend que la beauté se réalise à sept conditions, petitesse comparative, douceur de l’ensemble, diversité dans la direction des parties, gradation de ces mêmes parties, qui ne doivent pas être anguleuses, mais se fondre les unes dans les autres, délicatesse de la forme, éclat du coloris, ou couleurs claires et brillantes, enfin mélange de celle qui domine par son éclat avec d’autres qui la diversifient et la tempèrent. Dans la pensée de Burke, tout ce qui est proprement beau est sensible, et il n’admet qu’indirectement et par extension ce qu’on appelle la beauté morale.
Dans la quatrième partie, il revient sur l’objet des deux premières en se proposant de rechercher la cause efficiente du sublime et du beau. L’association des idées et certains mouvemens des nerfs qu’il affirme plutôt qu’il ne les prouve donnent, selon lui, naissance à ces émotions, ces affections que nous rapportons au beau et au sublime. Reste à savoir pourquoi certains objets sont ainsi qualifiés. On trouve ici tantôt de la psychologie, tantôt de la physique; mais ni l’une ni l’autre ne satisfait aux conditions rigoureuses de la science. Il vaut mieux passer au dernier livre, qui traite des mots et qui appartient à la métaphysique de la littérature. Ici l’homme de lettres se retrouve. La puissance de la langue et surtout de la langue poétique est exposée par un critique capable de la sentir, et, quoiqu’il soit difficile de rattacher solidement cette partie à l’ensemble, on ne peut regretter de la rencontrer.
Cet ouvrage, qu’il serait oiseux d’examiner au fond, n’a fait faire aucun progrès à cette science du beau que les Allemands nous ont forcés d’appeler l’esthétique. Le mérite est plutôt dans le choix du sujet que dans la manière dont il est traité. Quelques vérités particulières, quelques observations neuves, quelques pensées finement justes, plus rarement brillantes, ne suffisent point pour faire un livre, et l’essai de Burke n’est qu’une suite de discours qui auraient parfaitement réussi dans l’improvisation de l’enseignement, ou plutôt d’une sérieuse conversation entre Reynolds et Johnson. On dit que, plus avancé dans la vie, Burke riait parfois de quelques-unes des théories hasardées dans cette œuvre de sa jeunesse; mais nous doutons, avec un de ses biographes, qu’à aucune époque il les eût remplacées par des doctrines mieux liées, plus approfondies, plus