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assigne, il nous a paru intéressant de chercher à peindre, même après de plus habiles, un homme éminent, dont chacun sait le nom, dont peu connaissent les traits. Aussi bien, diverses circonstances se réunissent pour donner de l’à-propos à l’histoire de l’un des juges les plus cités et les plus sévères de la révolution française. Ceux-là qui auraient, en d’autres temps, accueilli avec impatience ou dédain les rudes avertissemens d’un publiciste ennemi, laissent voir des dispositions différentes, et il ne serait pas impossible que Burke reprît faveur. En cela du moins, nous suivrons le courant, dans le choix du sujet bien entendu, car pour le fond des idées nous ne promettons rien. Nous sommes du parti des hommes sans progrès et que les événemens n’éclairent pas.

On doit chercher Burke dans ses actions, ou plutôt dans ses écrits et ses discours, qui furent ses principales actions. Puis, il faut s’enquérir de ce qu’on a dit de lui et de ce qu’on a publié sur son compte. Outre les deux grandes revues, Quarterly et Edinburg, qu’on doit consulter toujours, de quelque sujet qu’il s’agisse intéressant l’île fameuse, il y a encore des mémoires sur Burke, publiés par James Prior, Anglais conservateur du commencement du siècle, et qui professait exactement les opinions dans lesquelles Burke a fini sa vie. En tête d’une édition de ses œuvres (1845), un écrivain qui nous paraît plus habile, M. Henry Rogers, a placé une introduction biographique et critique où il y a beaucoup à profiter. En 1827, une correspondance intéressante entre Burke et le docteur Laurence a été imprimée. Enfin, il y a huit ans, lord Fitzwilliam et sir Richard Bourke, l’un fils d’un ami de Burke, l’autre membre de sa famille, ont publié en quatre volumes le recueil de ses lettres, un de ces recueils qui, avec le temps, ne manquent jamais en Angleterre et qui sont si utiles à lire, s’ils ne sont très agréables. Nous avons ainsi un ensemble de matériaux à peu près, complet pour apprendre à connaître et, s’il, se peut, à peindre le right honorable Edmund Burke.

Il était Irlandais. Quoique l’on hésite en Angleterre à désigner ainsi tout protestant né en Irlande, et que généralement on réserve ce titre peu favorisé au descendant de la race celtique resté fidèle au christianisme selon saint Patrick, il nous semble que le fils d’un avocat de Dublin peut, encore qu’il ne fût pas catholique, être considéré comme un enfant de la verte Erin, et son origine d’ailleurs se trahissait par quelques-uns des traits du caractère national. La puissance et la vivacité de l’imagination, la haine de la tyrannie jointe au respect de la tradition, une indépendance personnelle qui résistait à l’opinion commune et au commun exemple, une raison plus haute que sûre, un esprit fécond, vigoureux, mais rarement calme et tempéré, une tendance constante à l’exagération, ne sont pas les traits