Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

société en général, et particulièrement contre le gouvernement des états de l’église, dont il maltraite les fonctionnaires et dépouille les caisses. Riche, aimant le luxe et les superfluités de la vie, Marco Spada habite un château somptueux et inexpugnable, où il cache à tous les yeux le plus précieux trésor, une fille unique et charmante. En effet, Angela est toute la joie de son père. C’est pour elle qu’il brave la sévérité des lois, et qu’il s’expose chaque jour à tomber sous les coups de la vindicte publique. Élevée avec le plus grand soin, douée de talens aimables, Angela, qui est loin de se douter quelles sont les occupations de son père, et d’où lui vient le luxe vraiment insolent qui l’environne, Angela, disons-nous, qui vit dans la plus complète solitude, n’en a pas moins le cœur rempli de l’image d’un jeune inconnu. Pendant les longues absences de Marco Spada, qui s’adonne avec fureur aux plaisirs de la chasse, dit-il, pour ne point éveiller les soupçons de sa fille qu’il adore, un voyageur égaré est entré dans le château du baron de Torrida, où il a reçu l’hospitalité. Angela n’a pu voir le comte Fredericci, le propre neveu du gouverneur de Rome, sans en être touchée, et le sentiment qu’elle éprouve est également partagé par le jeune inconnu. Telle est la situation des principaux personnages lorsque le rideau se lève, en laissant apercevoir l’intérieur du château du baron de Torrida, où l’on voit arriver pendant la nuit le gouverneur de Rome, la marchesa sa nièce, et le comte Pepinelli son cisisbeo, que le hasard a conduits dans cette habitation singulière. Étonnés de trouver tant de luxe dans un château isolé et loin de Rome, ils le sont bien davantage lorsqu’ils voient apparaître tout à coup une jeune fille qui, avec la meilleure grâce du monde, les prie d’accepter l’hospitalité. Après de nombreux incidens amenés avec plus ou moins de vraisemblance par la baguette magique de M. Scribe, il est décidé que le baron de Torrida, qui ne sait rien refuser à sa fille, ira, au péril de sa vie, au bal que le gouverneur de Rome doit donner le lendemain.

Le second acte tout entier se passe donc dans le palais du gouverneur qui a juré d’illustrer son administration par la prise de Marco Spada. Cela lui paraît d’autant plus facile qu’il vient d’apprendre, par trahison, que le terrible bandit a conçu le projet audacieux de venir exercer son industrie dans le palais même du gouverneur de Rome, Au moyen d’un frère quêteur qui a été jadis au service de Marco Spada, mais qui est revenu à de meilleurs sentimens, le gouverneur espère découvrir le fourbe caché au milieu de la foule. La scène où le frère Borromée présente sa requête successivement à chacun des invités est très adroitement conduite, et la manière dont Marco Spada échappe au danger qui le menaçait forme un coup de théâtre tout à fait piquant. Le drame se dénoue, au troisième acte, d’une manière assez vulgaire, par la mort de Marco Spada, qui, pour sauver l’honneur de sa fille et rendre possible son mariage avec le neveu du gouverneur, désavoue son propre enfant par un pieux mensonge. Comme cela arrive à presque toutes les pièces de M. Scribe, ce n’est ni par la vraisemblance des événemens, ni par la vérité des caractères que se recommande l’imbroglio dont nous venons d’esquisser le canevas. Il est à présumer que l’auteur aura été gêné par la censure dans le développement de sa fable, qui se passe à Rome dans les dernières années du XVIIIe siècle, et où il n’est pas plus question du pape que