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La résurrection de la monarchie impériale sera, à n’en pas douter, dans l’avenir, le fait capital de l’histoire de la France en 1852, ce qui s’explique par le déplacement qu’elle entraîne dans toutes les conditions de notre existence politique intérieure. Quant à la situation de la France en Europe, au moment où cette année s’achève, où faut-il en chercher les symptômes ? Est-ce dans la promptitude d’acquiescement à l’empire de certaines puissances ? Est-ce dans la lenteur de certaines autres ? Est-ce dans la réduction de l’armée autrichienne, dont on parlait récemment, ou bien dans le voyage du jeune empereur à Berlin, dans ses toasts et dans ses discours ? Il est évident à coup sûr que chaque mouvement de la France a un profond retentissement en Europe, et a pour résultat de réveiller une multitude de questions qui touchent à la grandeur même et au rôle de notre pays dans le monde, à l’équilibre des puissances, à l’ordre européen. Par une coïncidence étrange ou plutôt assez naturelle peut-être, il se trouve qu’en ce moment même il se publie plusieurs ouvrages où se retrouve quelque chose de ces grandes questions de politique générale, de ces préoccupations qui naissent perpétuellement des évolutions où notre pays est entraîné. M. de Ficquelmont continue un livre qu’il commençait l’an dernier sous le titre de Lord Palmerston, l’Angleterre et le Continent. Une autre brochure vient traiter aujourd’hui des limites de la France. Le titre seul dit la pensée de l’ouvrage. On connaît déjà le premier volume du livre de M. de Ficquelmont. L’honorable homme d’état autrichien avait jeté dans ces premières pages plus d’une vue ingénieuse et sensée, plus d’un trait net et juste. Peut-être, pour plus de fidélité à son titre, s’est-il cru trop obligé de poursuivre incessamment l’Angleterre et lord Palmerston pour ce qu’ils ont fait et pour ce qu’ils n’ont point fait. M. de Ficquelmont reconnaît deux grands coupables des désordres de l’Europe dans ce siècle : Napoléon avec son ambition, lord Palmerston avec ses principes. Il voit ces désordres naissant du trouble moral qui s’est introduit dans les relations entre les grands gouvernemens ; mais n’en peut-on pas aussi placer la source dans le règlement des affaires du continent à l’issue de l’empire ? S’il y a des coupables, ne peuvent-ils pas être de diverse sorte ? Quelle a été la politique de l’Europe en 1813 et durant les trente-quatre années qui ont suivi ? Chose étrange, deux gouvernemens se sont succédé en France dans cet intervalle, celui des Bourbons et celui du roi Louis-Philippe. L’un était aimé de l’Europe, et elle lui a fait à sa naissance des conditions insupportables, en identifiant en quelque sorte son avènement avec les humiliations du pays, dont il n’était pas coupable, en irritant contre lui tous les ressentimens du patriotisme déçu, en livrant à ses ennemis l’arme la plus meurtrière peut-être sous laquelle il ait succombé. L’autre, qu’une partie du continent ne pouvait point aimer sans doute, mais qui avait fait de grands et véritables sacrifices pour le maintien de la paix, l’Europe l’environnait de difficultés et de pièges ; elle le mettait en suspicion et se plaisait parfois à l’affaiblir ; elle était heureuse quand elle pouvait le jeter dans un périlleux isolement, et peut-être même les déboires personnels n’étaient-ils point épargnés. L’Europe ne voyait pas que la France, étant nécessairement appelée par sa position, par son passé,