Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’auteur complètement épuisée, et pourtant il n’en est rien, car sur les revers de ces mêmes pieds-droits, il y ajoute de nouveaux développemens. Je les passe sous silence, malgré le charme et la vérité qui les recommandent, parce qu’ils m’obligeraient à répéter purement et simplement les éloges que j’ai donnés aux faces des pieds-droits.

Quant aux couleurs adoptées pour les fonds de la coupole, des pendentifs et des pieds-droits, il me suffit qu’elles s’harmonisent parfaitement avec la décoration générale de la chapelle, et je ne tiens pas à savoir que le fond d’or signifie la lumière céleste, le fond rouge le sang du Christ, et le fond vert l’espérance du chrétien; toutes ces distinctions sont, à mon avis, de purs enfantillages, et je croirais perdre mon temps, si j’essayais de les discuter. Ce qui est vrai, ce qui frappe tous ceux qui ont visité l’Italie, c’est que le fond d’or de la coupole rappelle très heureusement les œuvres de l’art byzantin et les mosaïques de plusieurs églises de Rome. Il n’en faut pas davantage pour justifier pleinement le parti adopté par M. Périn. Quant aux tons rouge et vert, abstraction faite de leur valeur symbolique, il est facile d’invoquer en leur faveur de nombreux précédens.

Si j’essaie maintenant de résumer l’effet général de ce travail, je crois pouvoir affirmer qu’il laisse dans l’esprit du spectateur une émotion tendre et pieuse, et comme c’est là, sans nul doute, le but que l’auteur s’est proposé, il reste démontré qu’il a réussi. Cependant, malgré la sympathie qui s’est attachée tout d’abord à cette chapelle, malgré l’approbation de la foule qui se laisse aller au plaisir que lui donnent les belles choses, et l’approbation réfléchie d’un grand nombre d’esprits habitués à s’interroger avant de battre des mains, les objections ne manqueront pas, et déjà même nous en avons recueilli plusieurs. Dans le domaine purement esthétique, on reproche à M. Périn d’avoir traité avec trop de dédain l’éclat et la variété des couleurs qui réjouissent les yeux et préparent le spectateur à l’indulgence. Reproche vulgaire et qui ne mérite pas d’être relevé ! Si Rome et Florence ont traité la peinture religieuse avec plus de gravité que Venise et Anvers, le bon sens ne conseillait-il pas de consulter Rome et Florence plutôt qu’Anvers et Venise? On ajoute qu’il y a dans cette chapelle un caractère mystique dont notre temps ne saurait s’accommoder. Exprimé dans ces termes généraux, l’argument n’est pas soutenable, car il n’y a pas de religion sans mystères. Il ne sera jamais donné à personne d’identifier la religion à la philosophie. Dans la chapelle de l’Eucharistie, le surnaturel est de droit, et je ne comprends pas qu’on puisse contester une vérité tellement évidente. Mais je crois, et je l’ai déjà dit, que M. Périn n’a pas toujours choisi, pour l’expression de sa pensée, la forme la plus accessible; en d’autres termes, il lui est arrivé plus d’une fois d’interroger les pères de