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Pour éviter l’abus plus sûrement, le plus grand nombre s’interdit jusqu’à l’usage. Cependant je ne crois pas inutile de signaler le danger d’une telle méthode, car s’il arrive à quelques esprits d’élite de marcher sur les traces de M. Périn, il faut qu’ils connaissent d’avance le sort qui les attend. S’ils ne consentent pas à s’arrêter dans leur travail d’analyse, s’ils s’acharnent à sonder leur pensée, une partie de leur énergie se trouvera dépensée en pure perte. Les intentions les plus excellentes, les idées les plus vraies se présenteront couvertes d’un voile que la foule ne prendra pas la peine de soulever. L’avertissement n’est pas à négliger.

Je passe maintenant aux pendentifs qui nous offrent la pensée de M. Périn sous un nouvel aspect. Si la coupole, malgré les réserves que j’ai cru devoir faire, est à mes yeux une des œuvres les plus considérables de notre temps, sous le double rapport de la composition et de l’exécution, les pendentifs ne sont pas conçus moins habilement que la coupole, ni rendus dans un style moins élevé. C’est plaisir de suivre sur la pierre le développement d’une pensée mûrie à loisir, d’assister à l’accomplissement d’une volonté précise, devoir se dérouler toutes les parties d’une œuvre où le hasard ne joue aucun rôle, où la mémoire n’est appelée qu’à titre d’auxiliaire et ne prend jamais la place de l’imagination. C’est de nos jours une joie trop rare pour que la critique oublie de remercier les hommes qui lui offrent cet imposant spectacle. C’est pour la pensée un salutaire exercice que d’étudier dans leurs moindres détails une série de compositions où rien ne relève du caprice, où la ligne et la couleur s’unissent dans une fraternelle obéissance pour dire clairement ce que l’auteur a voulu dire.

Ayant à couvrir quatre pendentifs, M. Périn ne pouvait se dispenser de peindre, outre la Foi, l’Espérance et la Charité, une quatrième vertu; il a choisi la Force morale, et voici dans quel ordre sont distribuées ces compositions : l’Espérance, la Foi, la Force, la Charité. Ce parti, qui semblerait singulier si l’artiste se fût borné à représenter les vertus par des figures symboliques, s’explique très-bien par les compositions mêmes qui expriment ces quatre vertus. Pour l’Espérance, en effet, nous avons la naissance du Christ; pour la Foi, le Christ guérissant les aveugles et les sourds; pour la Force, le Christ couronné d’épines, et, pour la Charité, le Christ au tombeau. Le Christ naît dans l’étable entre le bœuf et l’âne. La sainte Vierge et saint Joseph adorent sa divinité. Derrière le fils de Marie, un ange tient un lys, symbole de pureté. M. Périn n’a méconnu aucune des conditions que lui imposait un sujet si simple en apparence, mais pourtant si difficile, quand on reporte sa pensée vers les maîtres éminens qui l’ont traité. La Vierge est pleine de grâce et de chasteté; un