Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/136

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tombeau exprime tout à la fois l’enseignement et la promesse; le Christ jugeant les méchans a quelque chose de terrible. Pour moi, je ne me lasse pas d’admirer cette prodigieuse variété. Pourquoi les deux anges ne sont-ils pas traités plus hardiment? C’est à coup sûr grand dommage. J’ai peine à comprendre que M. Périn, qui semble posséder tous les secrets de son art, ait reculé devant les difficultés du raccourci. Les deux anges n’offrent au spectateur que deux figures incomplètes; les membres inférieurs sont cachés derrière le Christ. C’est, à mon avis, une faute grave. Le raccourci pouvait seul laisser aux anges le caractère surnaturel qui leur appartient. Tels que les a représentés M. Périn, ils forment aux pieds du Christ une sorte de croissant qui est loin de contenter le regard. Toutefois, cette faute que je signale à cause du respect même que m’inspire l’auteur passera sans doute à peu près inaperçue, grâce à l’avarice avec laquelle M. Lebas a distribué la lumière ; aussi je crois inutile d’insister plus longtemps.

Au-dessus de la Cène, saint Pierre debout tient et montre les clés. Saint Jean et saint Matthieu, tenant chacun son Evangile, sont assis. à ses côtés. En regard de cet arc, saint Paul debout montre la première épître aux Corinthiens. Près de lui, saint Marc et saint Luc tiennent leur Evangile. Dans ces deux compositions, l’auteur a voulu exprimer les bons récompensés. Quoique saint Pierre, saint Paul et les quatre évangélistes soient traités dans un style très élevé, j’avouerai sans détour que je préfère aux bons récompensés — le Christ sortant du tombeau et le Christ jugeant les méchans. L’élégance et la grandeur de l’exécution ne sauraient dissimuler tout ce qu’il y a d’incomplet dans l’expression, comparée à la volonté de l’auteur. Que saint Pierre et saint Paul par leurs prédications, comme les évangélistes par leurs écrits, aient porté témoignage de l’eucharistie, c’est ce qui est acquis à l’histoire; qu’ils soient les soutiens de l’église, personne ne songe à le contester, mais je n’aperçois pas, je ne réussis pas à deviner comment ces deux faits expriment les bons récompensés. Il est vrai que M. Périn ajoute dans le programme de sa chapelle : « Dieu leur prépara des trônes dans le ciel. » S’il était donné à la peinture de rendre cette dernière pensée, je me déclarerais satisfait. Malheureusement le pinceau le plus habile ne mènera jamais à bonne fin une pareille tentative. La peinture n’arrive à l’intelligence que par les yeux, et toute idée qui ne peut pas être vue dans le sens matériel du mot doit être bannie du domaine de la peinture. Je m’étonne que M. Périn, qui a montré tant de sagacité dans le Christ sortant du tombeau et dans le Christ déchirant les sceaux du livre de vie, ait pu tenter d’exprimer une pensée qui échappe à la peinture, ou plutôt, pour parler plus nettement, qu’il ait sous-entendu cette pensée et se soit fié à la pénétration du spectateur. Je