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si favorable, que le cabinet de Londres eût été ravi de trouver un prétexte pour ne s’en point dessaisir. Sir John Davis, qui exerçait à cette époque les fonctions de gouverneur de Hong-kong et de plénipotentiaire de sa majesté britannique en Chine, ne fait point mystère des intentions de son gouvernement. Il déclare qu’il reçut l’autorisation de négocier l’achat de l’île; mais, ayant acquis la certitude que les Chinois ne se prêteraient à aucune transaction sur ce point et qu’ils n’écouteraient pas davantage les propositions des États-Unis ou de la France, considérant d’ailleurs que l’importance commerciale de Hong-kong s’accroissait de jour en jour, et que dès lors il était moins urgent d’obtenir la cession d’une autre colonie sur la côte de Chine, sir John Davis ne jugea point à propos de faire usage de ses pleins pouvoirs. Le 7 juillet 1846, il restitua solennellement aux quatre commissaires délégués par l’empereur l’île de Chusan et le port de Tinghae.

A partir de ce moment, les relations diplomatiques entre le gouvernement de Hong-Kong et le vice-roi de Canton devinrent moins cordiales. Kying, qui avait si ardemment défendu les idées de paix, au risque de compromettre son autorité à Pékin et sa popularité à Canton, Kying lui-même, l’ami des barbares, se refroidit tout à coup. Diverses tentatives furent faites pour reconstituer, sous une forme indirecte, le monopole des hanistes : le gouvernement chinois établit, à l’intérieur de l’empire, des droits de transit sur les produits destinés aux cinq ports, afin de neutraliser, par un simple déplacement de perception, les avantages de tarif stipulés en 1842; la cité de Canton continuait d’être fermée aux étrangers, contrairement au texte formel du traité. Enfin la populace, dans un délire de sauvage patriotisme, attaqua les factoreries, où les Européens, privés de la protection des autorités, furent obligés de se défendre eux-mêmes. À ces divers griefs venaient s’ajouter plusieurs attentats isolés, commis dans les environs de la ville contre des sujets anglais. Les consuls et le gouverneur de Hong-kong adressèrent successivement à Kying des représentations officielles, en invoquant le droit des gens ainsi que les clauses du traité de Nankin. Évasives d’abord, les réponses du vice-roi devinrent insolentes. Il fallut recourir aux grands moyens. Au mois de mars 1847, sir John Davis, se conformant aux instructions de lord Palmerston, fit embarquer sur les steamers les troupes dont il pouvait disposer, entra dans le Chou-kiang, s’empara des forts, encloua ou jeta à l’eau huit cent vingt-sept pièces de canon, et ne s’arrêta que devant Canton. Ce coup de vigueur, qui aurait pu rallumer la guerre et créer à la politique anglaise de graves embarras, fut frappé si à propos, que les Chinois, mal préparés à la résistance, se confondirent immédiatement en excuses, et souscrivirent, sans hésiter, aux conditions imposées par le représentant de la Grande-Bretagne.

En rendant compte des incidens qui se rattachent aux principaux actes de son administration, sir John Davis envisage l’avenir de la question anglo-chinoise : il exprime l’avis que, jusqu’en 1855, époque fixée pour la révision facultative des traités que le Céleste Empire a conclus avec la France et les États-Unis, il ne saurait être apporté aucun changement à la situation actuelle. Dans trois ans, si les négociations sont reprises, on pourra solliciter l’ouverture d’un plus grand nombre de ports et provoquer le règlement définitif de certains points demeurés en litige. Nous avons déjà essayé de