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à la dissolution. Entre le moment où la monarchie eût été possible et raisonnable - et aujourd’hui, il y a un intervalle pendant lequel les esprits se sont désaccoutumés de toute autorité, de toute règle, de tout frein. Au Brésil, au contraire, il n’y a eu nulle interruption, nul interrègne, entre la royauté ancienne et la royauté nouvelle. C’est ce qui fait que le Brésil prospère, paisible et calme, sous le juste et libéral gouvernement d’un souverain intelligent ; c’est ce qui fait que, indépendamment de l’immensité de son territoire, il jouit d’une supériorité réelle, comme état régulier, dans l’Amérique du Sud. Depuis trois ans, le Brésil a eu moins de changemens de ministères qu’il n’y a eu de révolutions au Mexique ou dans la République Argentine, par exemple.

Nous laissions, il y a peu de jours encore, la guerre allumée entre le général Urquiza et le nouveau gouvernement formé à Buenos-Ayres à la suite du mouvement révolutionnaire opéré au mois de septembre. Maintenant c’est au sein même de ce gouvernement que la discorde a éclaté. Les rues de Buenos-Ayres ont été ensanglantées au point que les résidens étrangers ont dû s’armer pour leur sûreté. Le gouverneur de la province, le docteur Valentin Alsina, s’est vu contraint de donner sa démission, et a été remplacé par le général Pinto, président de la salle des représentans. Les chefs de l’insurrection n’étaient autres que le ministre de la guerre lui-même, le général José-Maria Florès, et le colonel Lagos. C’est le 1er décembre qu’a éclaté ce nouveau mouvement. Le général Florès était sorti de Buenos-Ayres pour organiser des forces qui devaient aller rejoindre le général Paz, envoyé contre Urquiza. La réalité est qu’il se mettait à la tête de ces forces pour proclamer la déchéance du gouvernement et assiéger la ville de Buenos-Ayres. Les conditions posées par lui se résumaient en ceci : envoi de députés au congrès de Santa-Fé, éloignement de tout emploi public, pendant un an, du docteur Alsina et du colonel Mitre, ministre de l’intérieur et des affaires étrangères ; déclarer glorieux, comme d’habitude, le soulèvement du 1er décembre, payer les frais du soulèvement par-dessus tout, renouveler par moitié la chambre des représentans et élire un nouveau gouverneur. Les négociations engagées dans ces termes entre les chefs insurgés et les autorités restées à Buenos-Ayres n’ont en définitive abouti à rien, et divers combats livrés aux environs de la ville ne semblent pas avoir eu plus de résultat jusqu’ici. Que peut-il maintenant sortir de ces complications nouvelles, qui ne sont qu’un accès nouveau d’anarchie ajouté aux accès précédens ? Nul ne saurait le dire. Ce qui semble le plus probable, c’est que toute cette impuissance et ces violens déchiremens pourraient bien rendre des chances au général Urquiza.

Il s’en faut, en effet, que le général Urquiza fût aussi près de sa ruine qu’on le disait. Les nouvelles qui le représentaient comme vaincu et désarmé par les généraux Madariaga et Hornoz venaient de Buenos-Ayres. Voici cependant que le jour vient du côté opposé. D’après d’autres témoignages et d’autres journaux de l’Amérique, ce n’est point Urquiza qui aurait été battu, c’est lui, au contraire, qui aurait dispersé les forces de Madariaga et Hornoz, lesquels se seraient enfuis, l’un vers Corrientes, l’autre vers Buenos-Ayres. Le général Paz lui-même, envoyé contre Urquiza, aurait complètement échoué dans sa mission. En même temps, le congrès général, réuni à Santa-Fé le 20 novembre, sanctionnait la politique du directeur provisoire. Cette politique,