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être l’objet d’un ultimatum. L’Autriche peut ouvrir des négociations pour acquérir la possession de Kleck et de Sotorino, nécessaire à ses communications avec l’extrémité de la Dalmatie, et c’est ce qu’elle paraît avoir essayé de faire à d’autres époques ; mais aucune considération de droit des gens ne l’autorise à sommer la Porte de renoncer à une possession sur laquelle il ne s’était élevé aucune incertitude jusqu’à ce jour. Quelle a été, à cet égard, la réponse de la Porte aux injonctions du cabinet autrichien ? C’est ce qui reste encore incertain après les explications données par la presse autrichienne sur le résultat de la mission extraordinaire du comte de Leiningen. Il n’est pas douteux toutefois que la Turquie n’ait cédé sur tous les autres points, et notamment sur l’expédition du Monténégro. C’est cette expédition fâcheuse qui a évidemment fourni à l’Autriche ses meilleurs prétextes, et la Turquie doit comprendre aujourd’hui pourquoi ceux qui lui souhaitent de la stabilité et de l’avenir s’alarmaient de cette guerre si imprudemment entreprise. Encore n’est-elle pas au bout de tous les chagrins que la guerre du Monténégro lui vaudra. Voici que la Russie va venir à son tour réclamer non plus seulement la suspension des hostilités, mais l’indépendance des Monténégrins. Tel semble du moins être le principal objet de la mission du prince Menschikof à Constantinople. Voilà des difficultés d’où la Turquie est loin d’être sortie, et qu’elle eût évitées avec plus de prévoyance.

Il y a ceci d’étrange et de saisissant dans cette revue des choses contemporaines, que, pour peu qu’on ne se contente pas d’observer autour de soi et qu’on étende le regard au loin, il y a toujours à faire la part des révolutions. Quand ce n’est pas en Europe, c’est au-delà des mers ; quand ce n’est pas nous qui imitons le Mexique, c’est le Mexique qui nous imite. Les révolutions mexicaines passent en peu de temps par bien des phases, qui ne conduisent toutes malheureusement qu’à un résultat, la décomposition du pays. On a vu déjà que le président, le général Arista, avait donné sa démission et avait été remplacé par M. Cevallos, qui a fait un coup d’état en supprimant le congrès. M. Cevallos, à son tour, n’a pas duré longtemps. À peine l’un des chefs de l’insurrection, le général Uraga, a-t-il été arrivé à Mexico, que M. Cevallos, déjà discrédité et impuissant, a été obligé d’abdiquer le pouvoir au profit d’un dictateur provisoire, le général Lombardine ; maintenant c’est le général Santa-Anna qu’on attend. Des députalions sont parties de la Vera-Cruz pour aller le chercher à New-York. Santa-Anna est d’habitude l’homme des situations extrêmes au Mexique. Le malheur est que quand il a le pouvoir depuis six mois, il ne sait plus qu’en faire. Sa dernière dictature n’a pas laissé de bons souvenirs ; elle date de 1846, de la guerre avec les États-Unis, et on sait comment cette guerre se termina. Santa-Anna aurait beaucoup à faire pour être plus heureux cette fois. Bien des esprits, nous le savons, au-delà de l’Atlantique et en Europe trouvent qu’il n’y a qu’un remède à cette incommensurable anarchie : c’est la création d’une monarchie au Mexique. Oui, sans doute, la monarchie eût été une ancre, une garantie de stabilité et de durée pour ce monde hispano-américain, si on eût tenté de l’y établir à l’issue de la guerre de l’indépendance : la meilleure preuve, c’est que le Brésil, qui s’est trouvé dans ces conditions, est parvenu à s’asseoir sur des bases solides et fortes ; mais, depuis plus de trente ans, les anciennes colonies espagnoles, la plupart du moins, sont en proie aux bouleversemens, aux révolutions,