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amènera nécessairement une plus grande affluence de capitaux à Java. C’est la solution d’une question qui était depuis longtemps pendante.

La Hollande, qui n’est pas seulement un pays d’industrie et de commerce, vient de perdre coup sur coup quelques-uns de ses hommes politiques et de ses écrivains les plus distingués. C’est d’abord M. Van Lennep, poète octogénaire qui, pendant un demi-siècle, avait été professeur de littérature ancienne à l’athénée de La Haye. Poète latin, poète national d’une rare élégance, doué d’un patriotisme éclairé, d’un esprit religieux et plein de tolérance, Van Lennep a exercé longtemps une réelle influence. Son Chant des Dunes marque dans la poésie hollandaise moderne. Ses recherches archéologiques et linguistiques lui assignent une place parmi les savans de son pays, où il a contribué à propager l’amour des études classiques. Un autre de ces hommes éminens que la Hollande a récemment perdus, c’est M. le baron Van Doorn. M. Van Doorn avait été gouverneur des Flandres avant la révolution belge, et il avait su jusqu’au dernier moment maintenir l’autorité hollandaise. Il fut depuis successivement ministre de l’intérieur et vice-président du conseil d’état. Ce n’est qu’en 1848 qu’on lui enleva ces dernières fonctions par un acte qui entre peu dans les habitudes hollandaises, et le roi, pour lui témoigner sa confiance, le nomma grand maréchal de sa maison. M. Van Doorn joignait à une grande activité dans les affaires un goût remarquable pour les sciences et les lettres ; c’est à ce dernier titre qu’il était un des curateurs de l’université de Leyde.

La Turquie vient de traverser une crise délicate, malheureusement elle n’en est pas sortie à son avantage. L’Autriche a pris une revanche de l’échec qu’elle avait éprouvé dans l’affaire des réfugiés hongrois. Il y avait longtemps que cette puissance cherchait à se relever d’une humiliation qui lui tenait au cœur ; les fautes de la Turquie sont venues à propos lui en fournir l’occasion. Il faut convenir, en effet, que, parmi les exigences récemment formulées à Constantinople par le comte de Leiningen, toutes n’étaient pas sans fondement. Sans doute, l’Autriche a profité de la circonstance pour articuler des griefs d’une légitimité au moins contestable ; mais, sur d’autres points, la Turquie avait des torts graves, et elle s’était ainsi exposée à voir la diplomatie autrichienne blessée répondre à quelques dénis de justice par des réclamations exorbitantes. Les entraves imposées par Omer-Pacha au commerce autrichien en Bosnie, la présence de réfugiés hongrois et polonais dans l’armée ottomane lancée contre le Monténégro, enfin cette expédition elle-même, qui était de nature à créer quelque agitation sur les frontières de l’Autriche, donnaient assurément quelque apparence de raison à la plupart des représentations portées à Constantinople par le comte de Leiningen. Il nous paraît, à la vérité, beaucoup plus difficile de justifier les prétentions de l’Autriche sur les deux petits ports de Kleck et de Sotorino, dont elle réclame la possession, ou du moins dont elle voudrait régler l’usage, dans le cas où ils resteraient aux mains de la Turquie. Ces ports ont toujours passé, jusqu’à présent, pour être la propriété incontestée de la Porte-Ottomane. Cette situation est assurément gênante pour l’Autriche, car ces deux ports coupent en deux points différens le territoire de la province autrichienne de Dalmatie. C’est une anomalie, sans nul doute, et l’on conçoit sans peine que l’Autriche cherche à y remédier. Cette anomalie cependant est un fait consacré par les traités, et qui ne peut