Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/1216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout en étant loin de réaliser encore l’idée d’une comédie originale et puissante. — Chose étrange cependant ! nous en étions tout à l’heure à l’état de l’Europe, aux luttes du monde religieux, et nous voici au théâtre, à ses tentatives, à ses popularités éphémères. N’est-ce point là la vie sociale dans sa diversité, embrassant tous les intérêts, s’étendant à toutes les préoccupations, passant d’une impression à l’autre,.faisant sans cesse marcher ensemble les plaisirs intellectuels et l’observation, de tous ces pays qui ont aussi, comme la France, leur existence, et leurs intérêts propres ?

Le mouvement général suit son cours en effet : il ne change point dans son essence, la forme seule varie. Chaque pays a son rôle et son attitude dans cette mêlée contemporaine. Un des traits les plus caractéristiques peut-être de la situation actuelle de l’Angleterre, c’est la discussion qui a eu lieu dans le parlement au sujet de l’intervention possible des gouvernemens de l’Europe auprès du cabinet anglais pour réclamer des mesures contre les réfugiés. Lord Aberdeen dans la chambre des lords, lord Palmerston dans la chambre des communes ont eu à répondre sur ce point à des interpellations parlementaires. Le fond des déclarations des deux ministres est le même sans doute ; mais c’est la réponse de lord Palmerston qui est, on le pense bien, la plus nette et la plus décisive. Cette réponse, facilement prévue, c’est que l’Angleterre n’avait aucune mesure à prendre contre les réfugiés, qu’elle n’avait point à s’occuper de la sécurité intérieure des autres états. Aucune loi d’ailleurs ne permettrait ces mesures, et le cabinet anglais n’est nullement dans l’intention de réclamer du parlement de nouveaux moyens d’action contre les réfugiés. Le seul correctif apporté par lord Palmerston dans sa déclaration, c’est que les réfugiés, à leur tour, ne doivent point abuser de la libérale hospitalité qui leur est offerte, et qu’il est de leur honneur de ne point faire du sol britannique un foyer de permanentes hostilités, contre les alliés de l’Angleterre. Depuis quelque temps déjà, au reste, l’opinion publique s’était émue de cette question. L’inviolabilité du droit d’asile est un de ces privilèges dont le peuple anglais est jaloux. Et ici, qu’on le remarque, l’intervention de la presse et de la tribune, de l’opinion publique en un mot dans les affaires de diplomatie, est souvent périlleuse ; elle risque de nuire aux intérêts qu’elle prétend servir ; elle refroidit les relations des cabinets et embarrasse leur action. N’admire-t-on pas cependant ce que l’opinion publique, avertie et éclairée, peut prêter de force, quand elle se tient, en quelque sorte, derrière un gouvernement et lui sert de permanent auxiliaire ! L’Angleterre a réalisé plus d’une fois ce rare et puissant phénomène, qui est dans ses habitudes. Maintenant quelle sera la décision de l’Autriche en présence de ces fins de non-recevoir opposées par anticipation à ses réclamations ? S’arrêtera-t-elle, ou poursuivra-t-elle la démarche diplomatique dont on lui prête la pensée ? Dans tous les cas, on sait déjà la réponse. Tel est donc, vis-à-vis de l’Angleterre, l’état de la question en ce qui concerne les réclamations possibles de l’Autriche.

Mais ce n’est point, on le sait, le seul côté par où cette triste échauffourée de Milan ait soulevé des difficultés ; il vient même d’en surgir une nouvelle qui n’est pas la moins grave peut-être. Après la dernière tentative qui a ensanglanté la Lombardie, au milieu du calme de la masse des populations, on a pu se demander si la modération n’était pas, pour le gouvernement autrichien,