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le commentaire ; c’est le tableau d’un intérieur de famille au fond d’un pauvre presbytère de campagne. Le ministre protestant, ayant une femme et des enfans, a d’autres devoirs que le prêtre catholique ; il faut qu’il fasse vivre les siens, et cette nécessité le force à mêler quelques travaux temporels à ses occupations spirituelles. La ferme que M. Primrose a louée n’est pas bien grande, elle n’a que vingt acres ou huit hectares ; mais elle suffit à son ambition. Il la cultive avec amour et avec fruit, aidé de son fils Moïse, pendant que sa femme, qui n’a pas sa pareille pour le vin de groseilles, prépare le modeste repas du ménage. Le dimanche, quand le temps est beau, la famille va s’asseoir, après l’office divin, sur un banc ombragé d’aubépine et de chèvrefeuille ; on met la nappe sur un tas de foin, et on dîne gaiement en plein air, pendant que deux merles se répondent en chantant d’une haie à l’autre, et que le rouge-gorge familier vient becqueter des miettes de pain dans les belles mains des filles du vicaire. C’est au milieu d’une de ces scènes heureuses que vient tomber le cerf poursuivi par les chiens, et qu’apparaît sur son cheval de chasse le gentilhomme du manoir voisin.

Les héros des autres romans vivent tous à la campagne. M. Western, entre autres, est le type du squire, grand chasseur et grand buveur, tel que toutes les traditions nous l’ont conservé. À mesure qu’on se rapproche de notre temps, l’amour de la nature champêtre devient de plus en plus un lieu commun. Tous les arts s’en emparent. Les poètes ne chantent plus que les beautés du paysage anglais ; les peintres ne représentent que des intérieurs de ferme. Une école spéciale, celle des lacs, s’inspire des scènes les plus agrestes. Plus la guerre déploie ses fureurs sur le continent, plus l’imagination nationale aime à se transporter, par un de ces contrastes naturels à l’homme, dans le calme et la sécurité de la vie rurale. C’est surtout quand les révolutions balaient le monde que l’âme cherche à respirer la fraîcheur de l’éternelle idylle. L’Angleterre savoure à longs traits ce bonheur ; un même sentiment de protestation et de salut la ramène vers les idées conservatrices et vers les habitudes agricoles.

Écoutez, entre autres, les vers de Coleridge, qui expriment si bien cette félicité nationale, défendue par l’Océan :

O Albion ! o my native isle ! etc.
Fille des mers, dans tes riches vallons,
Un doux soleil éclaire tes gazons ;
Sur tes coteaux aux pentes ondulées
L’écho ne dit que la voix des troupeaux ;
Tout rit et dort, tes monts et tes vallées,
Sous le rempart des rochers et des eaux ;
Et l’immense Océan, dans son fracas sauvage,
Ne parle que de paix à ton calme rivage.