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avec toutes les espèces de propriété, même avec la petite. On dit que les longs baux sont nécessaires pour faire fleurir le fermage, et que la grande propriété peut seule en faire de pareils : c’est encore une erreur. Les longs baux sont utiles sans doute, mais ils ne sont pas nécessaires. En Angleterre, ils sont à peu près inconnus, ou, pour mieux dire, il arrive assez souvent qu’on n’ait pas de bail du tout. Les trois quarts des fermiers sont ce qu’on appelle at will, à volonté, c’est-à-dire que de part et d’autre on peut se quitter en se prévenant six mois d’avance. le ne dis pas que ce soit là le meilleur contrat, je sais qu’il n’est praticable que dans certains cas, je sais même que dans ce moment-ci la tendance est en Angleterre à faire des baux et de longs baux ; mais je dis, ce qui ne saurait être contesté, que la prospérité agricole de ce pays a été obtenue avec des fermiers qui n’avaient pour la plupart que des baux annuels.

On sait déjà quel est le capital dont ces fermiers disposent. On évaluait en Angleterre, avant 1848, à 8 liv. sterl. par acre ou 500 fr. par hectare le capital nécessaire à un bon fermier. Beaucoup sans doute n’en avaient pas autant, mais quelques-uns en avaient davantage. Tous font des avances à la terre avec une confiance absolue. Dans ce pays où l’industrie et le commerce sollicitent de tous côtés les capitaux et leur promettent une brillante rémunération, il en est un grand nombre qui aiment mieux se porter sur l’agriculture. Pendant que nos cultivateurs tondent, comme ils le disent eux-mêmes, sur un œuf, et considèrent ce qui est épargné comme le premier gagné, c’est à qui mettra en Angleterre le plus d’argent sur le sol. Cette confiance tient bien par quelque chose à la grande culture. C’est surtout par la grande culture que les dépenses considérables ont commencé, c’est elle qui donne tous les jours les plus frappans exemples de l’esprit d’industrie appliqué à l’exploitation du sol ; mais la moyenne et la petite la suivent de près. Le petit fermier qui n’a que quelques milliers de francs pour patrimoine n’hésite pas plus que le grand capitaliste qui en a dix fois, cent fois davantage. Les uns et les autres se lancent en même temps, et le plus souvent sur la foi d’un simple bail annuel, dans des dépenses qui paraîtraient énormes chez nous et que des propriétaires seuls voudraient entreprendre ; quand on demande de longs baux, c’est pour pouvoir se livrer avec sécurité à ces avances toujours croissantes.

On attribue généralement à la grande culture le remplacement des bœufs par les chevaux et des bras par les machines pour le travail des champs. Il en est de même des grands achats d’engrais et d’amendemens, des dépenses pour l’établissement et l’entretien des chemins et des clôtures, des travaux de nivellement, de défoncement, d’assainissement, d’irrigation, etc. Nouvelle confusion. L’usage de ces procédés perfectionnés, c’est-à-dire l’emploi intelligent du capital,