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entre la maison d’Autriche et la maison de Bourbon. Au royaume lombard-vénitien se trouvait opposé celui des Deux-Siciles, et une branche de la maison de France était placée à Lucques, avec future succession à Parme, pour contrebalancer quelque peu l’action des branches impériales régnant à Florence et à Modène. Sans être de tout point satisfaisant, cet état de choses ne créait aucun péril sérieux pour les intérêts français au-delà des Alpes, à la condition toutefois que le cabinet de Paris maintînt dans une entière et constante indépendance les deux grands gouvernemens indigènes de la péninsule. Si l’influence autrichienne dominait à Rome, les premiers intérêts moraux de la France seraient menacés ; si elle dominait à Turin, la sécurité de nos frontières serait compromise.

La branche cadette de la maison de Bourbon avait sur ce point les mêmes devoirs et les mêmes moyens d’action que la branche aînée, et quelles que fussent les complications révolutionnaires en Italie, la monarchie de 1830 ne pouvait permettre à l’Autriche d’étendre et de fortifier des positions déjà si nombreuses dans l’Italie centrale, et surtout de s’établir dans le nord de la péninsule, sans manquer à l’un de ses premiers devoirs envers la France. La bourgeoisie peut bien n’avoir ni le génie de la guerre, ni le goût des conquêtes : c’est là une disposition d’esprit dont le siècle présent se montre fort empressé à l’absoudre ; mais si, durant sa présence au pouvoir, elle avait laissé déchoir la France de sa situation antérieure, elle aurait signé par ce seul fait l’irrémédiable arrêt de sa propre déchéance. S’il est licite à une génération de ne rien ajouter à l’œuvre des ancêtres, elle ne saurait, sous peine de forfaiture, consentir sans résistance à son amoindrissement. L’attitude de la monarchie de 1830 dans les affaires de l’Italie ne provoqua point ce reproche : cette attitude ne manqua ni de fermeté ni de clairvoyance, et les événemens ne tardèrent pas à le constater. Au lendemain de la révolution de juillet, le gouvernement français avait proclamé le principe de non-intervention, doctrine absolue, incapable de résister à l’épreuve des événemens, et qui, prise au pied de la lettre, aurait été pour la France une source d’embarras non moins sérieux que pour l’Europe. Si ce principe faisait en effet nos affaires en Italie, il ne les aurait faites ni en Espagne, ni en Belgique. En empêchant les Autrichiens d’intervenir à Modène au printemps de 1831, il nous aurait interdit d’intervenir nous-mêmes, six mois plus tard, à Bruxelles, pour protéger les Belges contre la victorieuse invasion des Hollandais. Chaque souveraineté est sans doute parfaitement indépendante en droit public, comme en droit privé chaque domicile est sacré. On ne saurait cependant refuser absolument aux citoyens le droit de pénétrer chez leurs voisins en cas d’incendie, lorsqu’il est évident que les flammes