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Force resta pourtant à l’honnêteté et au droit, grâce à l’énergique initiative du prince, dont la pensée personnelle s’était peu dessinée jusqu’alors. Sitôt qu’elle se fut résolument produite, cette pensée trouva un chaleureux écho dans la chambre des députés, qui, par sa proposition sur l’abolition de la peine de mort, voulut partager une responsabilité dangereuse autant qu’honorable. Le parti républicain, dans sa portion la plus généreuse, suivit l’impulsion de son chef. Le général Lafayette, au terme de sa carrière, conquit, en répudiant la popularité, une gloire moins équivoque que celle qu’il avait acquise en poursuivant la triste idole de sa vie. À partir de ce jour, l’action personnelle du roi Louis-Philippe fut plus nettement marquée, et des serviteurs nouveaux, compromis dans sa courageuse tentative, vinrent grossir le noyau de ce parti conservateur destiné à se recruter par la lutte et à disparaître un jour dans la sécurité du succès.

Cette épreuve une fois traversée, et les premiers engagemens pris avec la conférence de Londres pour le règlement en commun des affaires belges, il était moins difficile à la royauté de chercher des instrumens plus sympathiques à ses desseins, car sa liberté grandissait dans la mesure de sa force. Elle avait dû d’abord ne décourager aucun parti ni aucun homme parmi tous ceux qui, avec des vues très diverses, avaient concouru à la transaction du 9 août soit en la provoquant, soit en se bornant à la subir. Au début, le parti démocratique avait fourni à son gouvernement un contingent tout aussi considérable que le parti bourgeois, et les noms de ses principaux chefs étaient alors un talisman plus souverain pour conjurer la multitude que ceux des hommes politiques qui envisageaient la révolution de juillet comme une déviation nécessaire, mais regrettable, aux principes et aux engagemens du gouvernement antérieur. Une fois les pouvoirs constitutionnels mis hors de page par une éclatante victoire remportée sur l’émeute, ils profitèrent sans retard de la liberté qui leur était rendue pour briser le pouvoir semi-dictatorial et semi-révolutionnaire du commandant général des gardes nationales du royaume. Une habileté remarquable fut déployée par la chambre comme par la royauté pour mettre cette mesure, dans laquelle on pouvait voir quelque ingratitude, sous le couvert d’un grand principe de liberté et de droit commun. Le général Lafayette fut destitué non par le prince, mais par la loi. M. Dupont (de l’Eure) le suivit bientôt dans sa retraite, et la monarchie reconquit l’administration de la justice en même temps qu’elle reprenait la direction de la force armée. En faisant cesser la confusion dans les personnes, on se préparait à l’attaquer dans les choses, et les hommes que la surprise d’un jour avait plutôt juxtaposés que réunis s’armèrent pour la lutte parlementaire en attendant la guerre civile. M. Laffitte avait