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que les volontés avaient alors permis de respecter le droit monarchique reposant sur une tête innocente, aucune classe de la société française n’y aurait eu plus d’intérêt que la bourgeoisie, car celle-ci aurait consacré par le principe successoral sa propre victoire et son avènement au pouvoir.

En respectant l’hérédité monarchique, en restant dans les termes des actes portant retrait des ordonnances, la révolution de juillet 1830 conservait le caractère pacifique et régulier que les passions démagogiques furent si près de lui faire perdre, et qu’il fallut des efforts surhumains pour lui maintenir. La monarchie légitime, en quelques mains que le gouvernement en fût passé, restait, en communion avec toutes les monarchies européennes ; sa liberté d’action lui demeurait entière, et tout le système de ses alliances était maintenu ; elle n’aurait point eu ces terribles combats à livrer pour échapper à la guerre qui, durant trois longues années, sembla l’inéluctable fatalité de la monarchie de juillet. La bonne harmonie conservée avec l’Europe arrachait au parti républicain ses armes les plus redoutables, car, de 1830 à 1833, les questions extérieures qui rendaient la paix si incertaine furent, chacun le sait, pour la dynastie nouvelle, l’épreuve la plus périlleuse et la plus redoutée. Représentées au pouvoir par les chefs de l’opposition, les classes industrielles et lettrées se fussent trouvées dans la situation la plus favorable pour résister aux seuls ennemis qui les menaçassent alors dans une suprématie manifestement acquise, car, contre le parti républicain, elles auraient rencontré le concours des hommes de la droite : ceux-ci, de leur côté, forcément rejetés hors des affaires par la victoire de l’opposition sur une doctrine dont ils avaient dû accepter la responsabilité, se fussent trouvés placés, comme ils l’avaient été depuis l’ordonnance du 5 septembre 1816 jusqu’à la chute çlu ministère Dessolles, dans la position la plus profitable pour le pays et la plus honorable pour eux-mêmes ; ils fussent restés en dehors du pouvoir sans le tenir pour ennemi, se retrempant ainsi dans l’opposition sans s’exposer à contracter des habitudes factieuses. En respectant l’hérédité monarchique après le retrait des ordonnances de juillet, la bourgeoisie aurait donc acquis les deux forces qui lui manquèrent le plus durant dix-huit années : un lien avec l’Europe, un point d’appui contre la révolution.

Si donc il n’avait dépendu que de cette classe, à laquelle l’instinct de ses intérêts ne manque pas, de donner aux événemens la direction la plus sûre pour elle-même, elle en aurait probablement restreint la portée au lieu de l’étendre. Aux derniers jours de la restauration, un changement de dynastie n’était guère plus dans les vœux que dans les intérêts des classes moyennes, quelque engagées qu’elles pussent