avec les Monténégrins et dérober à ces deux puissances la force que leur procure cette faute capitale commise dans un moment d’irréflexion.
Telle est la rapidité et la multiplicité des rapports qui existent aujourd’hui entre l’ancien et le nouveau continent, qu’on peut suivre en quelque sorte jour par jour, auprès de l’histoire de l’Europe, l’histoire de ces états transatlantiques qui ont maintenant leur place dans le mouvement du monde. Puissance d’un côté, dissolution permanente de l’autre, tel est le spectacle habituel qu’offrent ces contrées dans leur double développement anglo-américain et hispano-américain. Les États-Unis attendent aujourd’hui l’entrée au pouvoir du général Franklin Pierce, qui doit avoir lieu le 4 mars, et c’est alors que la politique de la nouvelle présidence se dessinera. Jusque-là le sénat de Washington a suspendu ses débats sur les motions du général Cass. Quant à l’autre portion de l’Amérique, son histoire se marque par des révolutions. Nous avons quelquefois parlé du Mexique ; le voilà plus que jamais aujourd’hui tombé dans le gouffre de l’anarchie. Jusqu’ici, il existait une ombre de pouvoir légal à Mexico ; cette ombre s’est évanouie. Le général Arista s’est démis de son titre de président, et il a été provisoirement remplacé par le président de la cour supérieure de justice, M. Cevallos. Depuis longtemps, le général Arista demandait au congrès des pouvoirs extraordinaires pour dominer la situation et essayer de faire face aux périls de toute sorte qui environnaient le Mexique. Ces pouvoirs lui ont été refusés, et il s’est retiré. Il n’a point voulu prendre ce qu’on lui déniait ; il a reculé devant un coup d’autorité qui d’ailleurs n’eût été sans doute qu’une complication de plus sans résultat. Le général Arista fût-il resté dictateur à Mexico, à quoi cela eût-il servi en présence du mouvement révolutionnaire qui s’étend à tout le Mexique ? Dans l’état de Tamaulipas, toutes les troupes se sont tournées du côté de l’insurrection ; à Matamoros, sur le Rio-Grande, population et armée se prononcent en faveur de la révolution. — Mais quelle est cette révolution ? direz-vous. Là est la question ; elle a autant de mobiles et de drapeaux que de théâtres et de chefs. Rien ne le prouve mieux que ce qui est arrivé à Tampico. Deux chefs d’insurgés se sont réunis pour s’emparer de la ville ; une fois arrivés à leurs fins, l’un d’eux s’est mis à tirer sur l’autre et à essayer de l’exterminer. Il en est à peu près de même partout. Ce qu’il y a de plus singulier, c’est que, le général Arista s’étant retiré pour ne point s’emparer de la dictature, celui qui l’a remplacé, M. Cevallos, président de la cour supérieure de justice, vient d’accomplir le coup d’état devant lequel avait reculé son prédécesseur. Il a dissous le congrès par la force, et en même temps il a rendu un décret convoquant une convention pour le 15 juin prochain. Ce coup d’état d’ailleurs semble consacrer le triomphe de la révolution, puisque M. Cevallos a ordonné aux troupes du gouvernement de suspendre partout les hostilités avec les insurgés. La confusion n’est pas près de se dissiper au Mexique, à moins que la prochaine convention n’y jette quelque jour.
CH. DE MAZADE.
V. DE MARS.