distincte la sphère d’action du corps législatif et celle du gouvernement. Le corps législatif vote les lois qui lui sont soumises, discute le budget ; le gouvernement agit, administre, use des ressources mises à sa disposition, dirige ou modifie souverainement l’ensemble des services publics, et son activité est loin d’être en suspens. Il a rendu en ces derniers jours divers décrets qui touchent à des intérêts également sérieux, quoique d’une nature assez différente. L’un des plus graves de ces décrets est celui qui élève la solde des sous-officiers de l’armée : c’est la réalisation d’une pensée probablement nourrie depuis longtemps par le gouvernement et empreinte d’un juste esprit de sollicitude. L’augmentation de la solde des sous-officiers absorbe naturellement une portion de l’économie obtenue par la réduction de l’armée. La seule question qui pût se présenter était celle de savoir si cette diminution de dépenses d’un côté et cette augmentation de l’autre n’entraînaient point la nécessité d’une sanction législative. Le gouvernement l’a tranchée dans le sens de sa prérogative, et il a agi de même dans un autre ordre d’idées, en transportant toute une portion de la direction des beaux-arts, — théâtres subventionnés, encouragemens aux lettres, musées, — du ministère de l’intérieur au ministère d’état. Il en était déjà ainsi sous le premier empire ; sous la restauration, ces mêmes attributions étaient du ressort du ministère de la maison du roi. Cette restitution n’a donc rien qui soit nouveau. Seulement on peut se demander s’il existe aujourd’hui un rapport bien réel entre la surveillance des autres théâtres, la censure, ce qui reste en un mot de la direction des beaux-arts au ministère de l’intérieur et l’ensemble de ce ministère tel qu’il vient d’être reconstitué par un récent décret. Ce n’est point d’ailleurs le ministère de l’intérieur seul qui subit ces remaniemens. Il y a quelques jours, c’était le ministère des affaires étrangères qui était réorganisé ; le ministère des finances est sur le point, dit-on, d’avoir aussi sa réorganisation.
C’est une pensée ordinaire à chaque gouvernement nouveau, souvent à chaque nouveau ministère, de remanier ainsi les services publics. Certainement il est des modifications que les circonstances nécessitent ; l’extension ou la diminution de certains travaux, le déplacement des affaires et des intérêts, peuvent exiger des organisations nouvelles. À vrai dire cependant, s’il y a quelque progrès à poursuivre, et à notre avis cela n’est point douteux, est-ce sur les mécanismes et les cadres administratifs que les changemens doivent porter ? Ne serait-ce point plutôt sur l’esprit même qui préside au choix des employés, à la direction de leurs travaux, à la fixation de leur position ? Il y a par malheur en France une pensée singulière que tout le monde favorise, parce que tout le monde y est intéressé : c’est que chacun doit avoir sa place dans les administrations publiques, et qu’il y va du salut de l’état d’entretenir le plus grand nombre possible d’employés, fallût-il restreindre les émolumens de chacun. Et qu’en résulte-t-il ? C’est que le plus souvent sept ou huit personnes font languissamment et sans zèle ce que deux ou trois hommes intelligens et laborieux pourraient faire, c’est que les administrations se peuplent parfois de jeunes gens qui pensent toujours qu’ils font assez, vu le traitement qu’ils touchent. Ne serait-il point préférable de restreindre le nombre des employés, d’améliorer leur situation, et de faire de ces avantages le prix de la capacité et du zèle ? En général, l’état excelle à tracer des hiérarchies, à