Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/1018

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


Séparateur


28 février 1853.

Chaque jour heureusement ne vient point, au moment où nous sommes, changer la face politique du monde, et particulièrement du continent européen. On n’en est plus à ces périodes néfastes des dernières années où il n’était possible de s’aborder chaque matin qu’en s’interrogeant sur les catastrophes de la veille, sur les révolutions triomphantes, sur les trônes ébranlés, sur les couronnes traînées dans la boue des émeutes. C’est comme un torrent rentré dans son lit. La sécurité générale a fait, il est vrai, de très réels progrès, et, dans ce rétablissement d’une certaine sécurité, on ne saurait méconnaître la part qui revient à l’initiative de la France et de son gouvernement. Il n’est point cependant un esprit juste et réfléchi qui ne sente qu’au fond il reste toujours dans la situation de l’Europe quelque chose d’incertain et de précaire, tant il est difficile à tout un continent de se rasseoir dans des conditions régulières et naturelles après les commotions les plus puissantes. Les révolutions ont en effet un résultat étrange et facile à observer : même quand on a secoué leur joug, elles se survivent par les embarras et les complications qu’elles laissent après elles ; elles multiplient les occasions de froissemens ou de dissidences ; elles accumulent les fermens périlleux, les élémens inflammables, et comme on sait bien qu’il faut souvent peu de chose, un entraînement, une ardeur irréfléchie, une étincelle pour rallumer tant de passions à peine assoupies et contenues, pour transformer le jeu naturel des antagonismes internationaux en conflits redoutables, on s’accoutume à vivre dans une certaine inquiétude en interrogeant sans cesse l’avenir ; on ne sait pas ce qu’on craint, mais on craint. Il semble qu’il y ait une force des choses qui conduise les événemens, et on finit par se dire périodiquement que si ce n’est au printemps, ce sera tout au moins à l’automne que devra se produire une explosion quelconque. L’habileté et la prévoyance des gouvernemens sauront bien empêcher, nous n’en doutons pas, que ce ne soit ni pour le printemps ni pour l’automne ; mais c’est un motif de plus pour observer cet état singulier où une certaine attente inquiète se mêle au besoin du repos, comme il