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n’est pas impossible ; Buffon, après l’avoir nié, le constate sur des documens d’une incontestable authenticité. Le slougui mâle vit vingt ans, et la femelle douze. Les slougui capables de prendre une gazelle à la course sont fort rares ; la plupart d’entre eux ne chassent ni le lièvre ni la gazelle, lors même que ces animaux viennent à passer auprès d’eux. L’objet habituel de leur poursuite, c’est le bekeur-el-ouhach, que d’ordinaire ils atteignent au jarret et jettent à terre. On prétend que cette bête, en essayant de se relever, retombe sur la tête et se tue. Quelquefois le slougui saisit le bekeur-el-ouhach au col et le tient jusqu’à l’arrivée du chasseur. Nombre d’Arabes poursuivent le bekeur-el-ouhach à cheval et le frappent par derrière avec une lance. C’est à cheval aussi que d’habitude on court la gazelle, mais on emploie toujours contre elle le fusil. Les gazelles viennent en troupeau : on vise au milieu de ses compagnes la bête que l’on veut frapper, et on la tire sans arrêter un instant le cheval qu’on a lancé au galop. Un proverbe arabe dit : « Plus oublieux que la gazelle. » Ce joli animal en effet, qui a déjà de la femme le doux et mystérieux regard, semble en avoir aussi la cervelle légère. La gazelle, quand on l’a manquée, court un peu plus loin et puis s’arrête insouciante du plomb qui, au bout d’un instant, vient la chercher encore. Quelques Arabes lancent contre elle le faucon, qu’ils dressent à la frapper aux yeux.

C’est surtout chez les Arabes du pays d’Eschoul que ce genre de chasse est en vigueur. Abd-el-Kader a rencontré là une petite tribu appelée la tribu des Es-lib, qui ne vivait que des produits de la chasse. Les tentes y étaient faites en peau de gazelle et de bekeur-el-ouhach, les vêtemens n’y étaient pour la plupart que des dépouilles de bêtes fauves. Un des membres de cette peuplade chasseresse dit à l’émir qu’il sortait d’habitude avec un âne chargé de sel. Toutes les fois qu’il abattait une gazelle, il l’égorgeait, lui fendait le ventre, frottait ses entrailles avec du sel, puis la laissait sécher sur un buisson. Il revenait ensuite sur ses pas et rapportait à sa famille les cadavres qu’il avait ainsi préparés, car dans ce pays il n’existe aucun animal carnassier qui dispute le gibier au chasseur. Les Es-lib sont tellement habitués à se nourrir de chair, que leurs enfans jetèrent des biscuits qu’Abd-el-Kader leur avait donnés, ne s’imaginant point que ce fût chose bonne à manger.

On pratique souvent la chasse à l’affût contre le bekeur-el-ouhach mâle et femelle. Quand la chaleur a desséché les lacs du désert, on creuse un trou auprès des sources où viennent boire ces animaux, qui trouvent la mort au moment où ils se désaltèrent.

Une des chasses qui exigent le plus d’intrépidité est celle du lerouy, animal qui ressemble à la gazelle, mais qui est plus grand qu’elle,