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Ce mouchoir fin et diaphane,
Où la brodeuse musulmane
A mêlé l’or avec le lin,
Reluisait sur sa tête brune.
Aux pâles clartés de la lune,
Pendant un soir du mois de juin.

Saules qui vous penchez le long de la prairie,
Aux sourds bruissemens de vos sentiers perdus
Elle ne viendra plus mêler sa voix chérie;;
Elle ne m’aime plus!

Voici le bouquet d’immortelles,
Gage de flammes éternelles,
Qu’un premier soir de rendez-vous
Elle apporta dans sa ceinture,
Comme sa plus belle parure.
Et que je reçus à genoux !

Et moi, qu’elle accusait d’un cœur trop infidèle,
Moi, qui me laissais prendre à ses airs ingénus,
Et la croyais sincère en la voyant si belle.
Elle ne m’aime plus !

Te voici, tresse parfumée,
Doux présent de ma bien-aimée
Au temps de nos premiers aveux !
Dans notre amoureuse folie,
Comme une fleur tu fus cueillie
Dans la forêt de ses cheveux !

O liens trop légers! ô chaîne familière!
O fragiles anneaux que sa main a rompus,
Vous ne retenez plus son ame prisonnière;
Elle ne m’aime plus!

Voici ses lettres adorées,
Riches de paroles dorées,
Ses lettres, souvenir vivant,
Plein de printanières ivresses
Et des éternelles tendresses
Qui s’envolent avec le vent.

De nos premiers sermens témoins mélancoliques,
O poèmes charmans et tant de fois relus.
Hélas! le croirez-vous, ô mes chères reliques?
Elle ne m’aime plus !


CHARLES REYNAUD.