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SCÈNES DE LA VIE ITALIENNE.

flée, pour prendre une revanche, et nous ferons en sorte quelle triomphe de la cabale. Le théâtre est comme le cabaret : qui a joué jouera.

Le lendemain de grand matin, dans une méchante auberge où la jeune première occupait, au fond d’un corridor sombre, une chambrette dont elle avait corrigé l’aspect misérable à force d’ordre et de propreté, quelqu’un frappa doucement à la porte disloquée. Pensant que ce devait être la servante, Maria ouvrit le verrou. Une tête chauve et ridée parut, et l’homme à la redingote jaune entra en souriant d’un air cauteleux.

— Que me voulez-vous ? demanda la jeune fille un peu effrayée.

— Ne craignez rien, ma chère enfant, répondit Joseph en s’asseyant dans un coin. Je l’aime, la petite marchande ; je m’intéresse à la gentille comédienne ; je lui veux du bien, beaucoup de bien ; voilà ce qui m’amène.

— À qui en avez-vous ? reprit la Marietta ; est-ce à la marchande ou à la comédienne ?

— Le titre n’y fait rien, ma mignonne ; marchande ou comédienne, votre gracieuse petite personne est toujours la même. Donc vous n’avez point réussi au théâtre Tampicelli : c’est un malheur dont la beauté, la jeunesse et d’autres succès effaceront le souvenir ; mais je me suis dit ce matin : La pauvrette doit avoir du chagrin ; elle pleure de ses beaux yeux, allons la consoler.

— Il n’est pas en votre pouvoir de me consoler.

— Peut-être. Qui le sait ? La consolation ! elle ne voyage pas, comme un prince, avec un courrier devant son carrosse ; elle ne se fait pas annoncer au son du cor ; elle souffle, comme le vent, du côté où on ne l’attendait point, et, zeste ! elle entre à l’improviste.

— Eh bien ! dépêchez-vous donc de me consoler, au lieu de faire tant de bavardages.

— Sang de la madone ! il n’y a pas une de mes paroles qui ne pèse un grain d’or, et vous appelez cela des bavardages ! Écoutez-moi bien, ma toute belle : la fiera va finir dans huit jours. Les étrangers réunis à Sinigaglia vont s’éparpiller comme des oiseaux. Aujourd’hui on les voit ; ils mettent la main à la poche ; ils en tirent de bons écus, qu’ils distribuent pour leur plaisir, et puis demain on ne les connaît plus ; on ne sait où ils sont. L’occasion s’est envolée, et les écus avec elle. Parmi ces étrangers, il se trouve de jeunes cavaliers riches, discrets et généreux. Quatre napoléons d’or qu’on te prêterait à condition de ne jamais les rendre, serait-ce donc une si mauvaise affaire ?

Le combinateur fit une pose en attendant l’effet de cette insinuation ; mais, comme la jeune fille se taisait, il ajouta : — Quand je dis quatre napoléons, c’est le moins qu’on puisse espérer. Avec ma longue pra-