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d’une assistance légalement obligatoire et proportionnelle aux besoins et aux infirmités ; 2° l’établissement d’un impôt gradué et progressif sur toutes les propriétés foncières et mobilières ; 3° le partage des biens communaux ; 4° enfin l’expropriation par l’état des biens des hospices et de tous les établissemens de bienfaisance. Si le décret du 13 mars avait été pris à la lettre, il aurait fallu livrer au bourreau la convention tout entière, confisquant pour trois milliards d’immeubles, envoyant ses agens chez tous les propriétaires leur présenter d’une main le tarif d’un maximum décrété par elle, et de l’autre un papier discrédité que force était d’accepter sous peine de mort ; il aurait fallu surtout la vouer au dernier supplice, lorsque bientôt après, dans son ardeur de rapine, dépassant toutes les inventions connues du crime et de la tyrannie, elle ordonnait, par un décret du 23 septembre 1793, de verser dans la caisse de la trésorerie nationale et dans celle des receveurs des districts tous les dépôts confiés à la foi des officiers publics, et même, dans certains cas, à la foi des particuliers[1] !

Avant que Barbes eût proposé de lever un milliard sur les riches, la convention l’avait décrété[2] ; avant que M. Louis Blanc eût discouru sur le droit au travail, celle-ci l’avait sanctionné[3] ; avant que Fourier eût formulé les lois de sa morale attractive, elle avait fait du mariage une liaison dont la durée se mesurait sur le caprice de l’imagination et des sens. Le maximum avait précédé les anathèmes au capital : Danton et Robespierre avaient subordonné, en matière d’éducation, le droit du père à celui de la patrie, et la loi civile avait enlevé au citoyen la disposition de ses biens par donation entre vifs, comme par testament, avant que l’omnipotence de l’état eût été pédantesquement formulée. La république de 1848 n’a révélé au monde aucune théorie que celle de 1793 n’eût déjà pratiquée, et l’école socialiste n’a pas même eu parmi nous le triste mérite de l’originalité. Si, au lieu d’écrire un livre pour établir que les principes de 89 ont engendré le communisme contemporain, M. Du Boys s’était attaché à constater que ceux de 93 en ont été l’application anticipée, il aurait établi un fait qu’il est fort important de mettre en relief, et les conclusions de M. Laferrière seraient venues se confondre avec les siennes ; mais on infirme les meilleures thèses en les généralisant, et là gît le péril pour les esprits les plus honnêtes, lorsqu’ils écrivent sous l’empire et dans l’enivrement d’une logique réactionnaire.

Il en a été de la révolution française comme de tous les grands événemens, où le bien et le mal se sont trouvés confondus, et qui se sont développés à travers beaucoup de ruines. Les uns ont justifié les moyens par la légitimité du but, les autres ont répudié le but à cause

  1. Décret du 23 septembre 1793.
  2. Décrets du 20 mai et 22 juin 1793.
  3. Loi du 26 juin 1794