le célèbre Arius et sur les électeurs d’Allemagne, c’est mentir hardiment et imiter Gérard le Westphalien, de loquace mémoire[1].
Holberg avait imité Molière comme nos grands auteurs imitaient les anciens, il l’avait quelquefois égalé; mais ses élèves se déclarèrent les imitateurs et les défenseurs enthousiastes de l’école française sans la comprendre. Ils ne prirent même plus pour modèles Molière, Racine et Corneille, mais les tragédies, de Voltaire et de Crébillon, les comédies de Sedaine, de Gresset et de Destouches, celles dont Holberg disait : « Ce sont de beaux dialogues, non des pièces de théâtre[2]. » L’esprit froid et scientifique de l’Encyclopédie avait pénétré en Danemark, et, s’il avait suscité quelques utiles réformes dans la carrière politique ou sociale, il n’est pas étonnant qu’en littérature il ait été pour les Danois un guide peu sûr et d’une faible inspiration. On vit en Danemark la forme extérieure de notre poésie d’autant plus admirée, que le fond commençait à y être moins compris, et l’alexandrin, avec les trois unités, parut constituer tout l’arsenal poétique. Vers le même temps, une troupe italienne étant venue établir un théâtre à Copenhague, l’opéra fit fureur, ainsi que la tragédie en cinq actes; la musique aidant, on en vint à applaudir jusqu’aux poèmes de nos opéras-comiques, et, une admiration commune confondant les genres, on vit les froides bergeries et les logogriphes de Zèmire et Azor se glisser, avec leurs rimes luxuriantes, dans les tragédies classiques de deux poètes du temps, Pram et Thaarup. Pram et Thaarup furent les héros de cette école de froide et stérile imitation. Pram traduisit l’Orphelin de la Chine, — l’Inès de Castro de Lamotte, les opéras de Marmontel et les Incas. Ses pièces originales, comme Damon et Pythias, Fingal et Frode, etc., n’avaient pas plus de naturel et de gaieté que ces ennuyeuses traductions. Thaarup n’était pas mieux doué; il tranchait à la fois du bel-esprit et du langoureux, et l’on disait de lui qu’il faisait « de la prose aiguë comme l’aiguillon de l’abeille, de la poésie sucrée comme son miel. »
Le désir d’échapper à ces fadeurs suscita une nouvelle école en Danemark et jeta les esprits ardens et jeunes dans l’imitation allemande. On se rappelle de quel éclat brilla tout à coup la littérature de l’Allemagne vers le milieu du XVIIIe siècle. Contre l’école classique de Gottsched et de Gellert, purs mais froids écrivains, Bodmer, Winckelmann et Lessing surtout, l’Arminius de la jeune Allemagne, avaient arboré un nouveau drapeau. Un des chefs de cette renaissance, Klopstock, pauvre et sans protecteur dans sa patrie, accepta en 1770 la généreuse