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aux mains d’Attila, arrive sur les bords du Danube avec son jeune fiancé Walter d’Aquitaine et le Frank Hagen, descendant direct de Francus, fils d’Hector. Rien n’est plus noble et plus généreux que l’hospitalité que reçoivent ces trois enfans. Ospiru, la reine des Huns, traite Hildegonde comme sa propre fille; elle lui confie l’intendance de son palais et les clés du trésor royal. « Hildegonde, dit le poète, est plus reine que la reine elle-même. » Hagen, et surtout Walter, rencontrent dans Attila une affection non moins grande : c’est lui qui préside à leurs jeux guerriers, et qui leur apprend à manier l’arc et la lance; il fait plus, il veut qu’ils étudient les sciences, et que, « croissant à la fois en intelligence et en vigueur, ils surpassent les braves par la force du corps et les sophistes par l’esprit. » En un mot, ils eussent été ses héritiers propres, qu’il ne les eût pas mieux élevés. Ils grandissaient donc en vaillance comme Hildegonde en beauté. Sur ces entrefaites, le roi Ghibic meurt à Worms, laissant le trône des Franks à Gunther, son fils, et Hagen, que cette mort semble dégager de ses obligations d’otage, s’enfuit du pays des Huns. Le roi et la reine, craignant pour Walter l’effet de ce mauvais exemple, conviennent ensemble de le marier, afin de l’attacher à leur service par des liens plus forts, et ils lui offrent la fille d’un des satrapes de la cour avec de vastes domaines à la campagne et une maison à la ville; Walter refuse tout. « Que ferais-je d’un domaine? répond-il au roi. Je serais obligé d’y construire des cabanes et d’y surveiller des laboureurs. Que ferais-je d’une femme? Je songerais à elle et à mes enfans. O roi, mon très bon père, ne me donne pas de pareilles chaînes; je ne veux que guerroyer et te servir. » Walter mentait : il aimait Hildegonde, et n’avait point oublié que leurs pères les avaient fiancés autrefois.

Cependant une guerre éclate : c’est Walter qui conduit l’armée des Huns, et, « dans le jeu du frêne et du cornouiller qui se mêlent en tourbillons, percent les poitrines ou se brisent sur les boucliers, » Walter, passé maître, reste immobile comme un roc. Grâce à lui, la victoire appartient aux soldats d’Attila, qui rentrent dans leur ville au son joyeux des cors, ombragés de rameaux verts en signe de triomphe, et pliant tous sous le poids du butin. Walter, souillé de poussière et de sang, met pied à terre devant le palais, où ne se trouvent ni le roi, ni la reine, mais Hildegonde seule qui le reçoit. Après l’avoir embrassée et s’être assis, l’Aquitain lui demande à boire; la jeune Burgonde, avec empressement, remplit de vin une coupe d’or et la présente au guerrier; mais je laisserai parler ici le poète, en bornant pour l’instant mon rôle à celui de traducteur :


« Il vida la coupe et la lui rendit. La jeune fille avait senti la main de Walter presser la sienne : interdite, étonnée, elle restait muette, les yeux fixés sur ce visage belliqueux. Après un moment de silence, l’Aquitain lui