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sont beaucoup moins connues que celles des Germains orientaux. L’histoire pourtant nous en apprend trois choses, à savoir qu’Attila, pour colorer son expédition en Gaule, prétextait de vieilles rancunes contre les Visigoths, que chez les Francs transrhénans il se constitua arbitre entre deux prétendans qui se disputaient le trône du dernier roi, et qu’enfin, s’il trouva en face de lui sur les bords du Rhin et de la Marne les Burgondes, hôtes et fédérés de l’empire romain, il comptait sous ses drapeaux les tribus de ce peuple qui habitaient encore la Germanie autour de la forêt Hercynienne. Ce peu de jour jeté dans l’obscurité des faits laisse beau jeu à la tradition, que nous ne pouvons guère contrôler que dans ses plus grossières invraisemblances, mais qui devient en retour d’autant plus curieuse qu’elle répond à une lacune historique plus considérable.

On entrevoit d’abord dans le supplément de la chronique d’Idace, écrit au VIIe siècle, en Espagne, sous le gouvernement des Visigoths, l’indice d’un travail traditionnel qui se faisait alors chez ce peuple, et dont la bataille de Châlons était l’objet. On se rappelle que le lendemain de cette grande journée, et lorsqu’Attila, retranché dans son camp de chariots, effrayait encore ses vainqueurs, Thorismond, élu roi par les Visigoths à la place de son père, mort dans le combat, voulut partir à l’instant, afin d’empêcher ses frères, restés à Toulouse, de former des entreprises contre sa nouvelle royauté, et qu’Aëtius, qu’il consulta pour la forme, ne le retint pas. Cette désertion en face de l’ennemi avait été sans doute reprochée plus d’une fois aux Visigoths : la tradition dont je parle eut pour but de les en laver. Elle raconte qu’Aëtius, dont la politique consistait à se défaire des Huns par les Visigoths et des Visigoths par les Huns, s’étant rendu en cachette près d’Attila, le prévint amicalement qu’une nouvelle armée de Visigoths devait arriver la nuit même. « Si tu l’attends, lui dit-il, tu es perdu : pars donc à l’instant, et je protégerai ta retraite. » Attila lui fait compter dix mille pièces d’or en témoignage de sa reconnaissance, et le Romain court en toute hâte au camp des Visigoths jouer la même comédie avec Thorismond, et il y gagne encore dix mille pièces d’or. Au point du jour, Huns et Visigoths avaient vidé le champ de bataille, et Aëtius restait seul maître de tout le butin. La tradition ajoute que, pour calmer Thorismond, qui, voyant qu’on l’avait joué, se répandait en menaces, Aëtius lui fit cadeau d’un bassin d’or garni de pierreries et d’un travail inestimable. Il est certain qu’un pareil bassin était déposé au trésor des rois visigoths, d’où il passa, après bien des aventures, dans les mains du roi frank Dagobert. Les Visigoths montraient ce bassin comme preuve de la vérité de leur tradition, qui n’était pourtant qu’un mensonge inventé par la vanité.

Nous avons un second indice plus éclatant et plus assuré qu’un