ATTILA SELON LES TRADITIONS GERMANIQUES.[1]
La tradition latine nous a promenés sur des champs de carnage, au milieu des larmes et des ruines : c’était le domaine naturel du fléau de Dieu; le théâtre où nous transporte la tradition germanique est tout autre. Ici plus de fléau de Dieu, mais un roi sage, magnifique, hospitalier, se battant bien, buvant mieux, un bon roi enfin comme on les rêve en Germanie : tel est le nouvel Attila qui se présente à nous. Contradiction bizarre entre toutes celles dont le moyen-âge abonde! ces deux Attila si différens vécurent pendant des siècles côte à côte et sans trouble dans les souvenirs de la Germanie : on maudissait l’un à l’église, on bénissait l’autre au château. En sortant du temple où retentissait par la voix du prêtre l’anathème éternel contre la bête infernale et le tyran persécuteur des saints, on courait applaudir le Minnesinger qui, la rote en main, chantait le bon roi Attila, seigneur des Huns, sage comme Salomon, plus riche et plus puissant que lui, surtout plus généreux. La légende chrétienne était le souvenir roman, la chanson du Minnesinger le souvenir barbare.
Deux choses, dans le contact des Germains du Ve siècle avec Attila, durent les frapper vivement et laisser une longue impression sur les générations successives : c’est que tous ou presque tous ils avaient été ses vassaux, et que leur époque héroïque, celle de leur établissement
- ↑ Voyez la livraison du 15 novembre.