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La mère qui serrait avec tendresse son enfant sur son sein et l’abreuvait de son lait était capable de l’abandonner. Le caractère humain n’était plus que de la cire entre les mains de ce sorcier, et crimes et vertus n’étaient plus que les formes différentes qu’il lui convenait d’imprimer à cette cire. Le sentiment religieux était une flamme sur laquelle il pouvait souffler, une étincelle qu’il pouvait éteindre. Inexprimables étaient l’horreur et le dégoût que j’éprouvais en prêtant l’oreille et en réfléchissant que, si par hasard ces choses pouvaient être croyables, alors tout ce qui est doux et pur dans notre vie présente serait avili, l’idée de la responsabilité éternelle de l’homme deviendrait ridicule, l’immortalité serait impossible et ne vaudrait pas la peine d’être acceptée ; mais.je serais mort sur la place plutôt que de croire à cela.

« L’époque des esprits frappeurs (rapping spirîts) avec toutes les merveilles qui ont suivi, — telles que tables enlevées par des agens invisibles, cloches qui sonnent d’elles-mêmes aux funérailles, musique spectrale exécutée sur des harpes, — n’était pas encore arrivée. Hélas ! mes compatriotes, je crains que nous ne vivions dans un siècle mauvais. Si tous ces phénomènes ne sont pas pur humbug au fond, tant pis pour nous, car que peuvent-ils signifier, spirituellement parlant, si ce n’est que l’ame de l’homme est descendue au point le plus bas qu’elle ait encore atteint depuis qu’elle a été incarnée dans le corps mortel? Dans sa marche éternelle, on dirait que l’humanité est en train de descendre avec rapidité au lieu de monter, et c’est ainsi que nous nous trouvons arriver sur un même rang avec des êtres que la mort, en punition de leur vie mauvaise et grossière, a dégradés et a placés au-dessous de l’humanité. Pour être capables d’entretenir des relations avec des esprits de cet ordre, il faut que nous soyons plongés et que nous rampions dans quelque élément plus vil que la poussière terrestre. Ces esprits, s’ils existent, ne sont que les ombres de la vie mortelle qu’ils ont menée, ce sont des proscrits, des êtres rejetés, jugés indignes du monde éternel, et ainsi, pour adopter la supposition la plus favorable, descendant graduellement dans le néant absolu. Moins nous aurons de choses à leur dire, mieux cela vaudra pour nous, si nous ne voulons pas partager leur sort. »


Je partage entièrement en cela l’opinion de M. Hawthorne : les personnages de son livre sont la preuve la plus évidente des craintes qu’il exprime. Oui, l’ame humaine est en train de se pervertir; la vie humaine, par tous pays, tend à se dégrader, et la preuve la plus évidente de ce fait, c’est que les actions de l’homme ne sont plus jugées selon les règles éternelles du juste et de l’injuste, ni pesées avec les balances éternelles et qu’elles ne peuvent plus l’être. Les actions de l’homme ont aujourd’hui un caractère vague et équivoque qui les soustrait à une appréciation précise et simple. Dans quel temps, à quelle époque ont existé des êtres tels qu’Hollingsworth et Zénobie? Comment apprécier leurs actes? Sont-ils criminels? Personne ne voudra le dire et n’osera le dire. Sont-ce d’honnêtes gens dans le sens strict du mot et selon la morale admise de tout temps? Non certes. Que sont-ils donc? Les langues humaines n’ont pas encore trouvé un mot pour exprimer ce