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adresse le bel air du quatrième acte; nous disons avec adresse, car, pour de la passion et du sentiment. Mme Laborde n’en a jamais eu. Un succès bien, mérité est celui qu’a obtenu M. Obin dans le rôle important de Moïse. Ce rôle, qui a été créé avec un si grand éclat dans l’origine par Levasseur, est fort bien rendu aussi par M. Obin, dont la belle voix de basse, la diction noble et accentuée ont mérité tous les suffrages. Les chœurs marchent avec beaucoup d’ensemble et font merveille dans le magnifique finale du troisième acte, qui vaut à lui seul un long poème. L’orchestre accompagne cette musique lumineuse et puissante avec distinction, sauf la malheureuse tendance de M. Girard à ralentir tous les mouvemens.

Décidément le théâtre de l’Opéra-Comique n’est pas heureux depuis quelque temps. Excepté le Père Gaillard, de M. Reber, et l’agréable petit opéra de M. V. Massé, Galathée, aucune des nombreuses nouveautés qui ont paru cette année n’y a pris racine. On vient de donner à ce même théâtre un opéra en trois actes, les Mystères d’Udolphe, qui ne semble pas destiné à filler de longs jours. C’est au roman célèbre d’Anne Radcliff qu’est emprunté le sujet de la nouvelle pièce, et on aimait à croire que les auteurs du libretto, MM. Scribe et Germain Delavigne, feraient sortir de la fable du romancier anglais des combinaisons plus dignes de la comédie lyrique que du théâtre de l’Ambigu. Aussi le désappointement a-t-il été général. La scène se passe non plus en Italie, mais en Danemark, au commencement du XVIIe siècle. Il s’agit de deux grandes familles féodales, les Udolphe et les Norby, qui se haïssent comme les Montaigu et les Capulet. A côté de cette haine héréditaire transmise jusqu’à la troisième génération, se noue une histoire d’amour qui ne ressemble guère à celle de Roméo et de Juliette. Des bruits de l’autre monde, un souterrain effrayant et beaucoup trop de mystères donnent à cette pièce une couleur de mélodrame qui rappelle l’année de grâce 1792. C’est M. Clapisson, un compositeur de beaucoup de mérite, qui a eu le malheureux courage de mettre en musique ce long pathos en trois actes. M. Clapisson, qui a déjà beaucoup écrit, qui a fait Jeanne-la-Folle, grand opéra en cinq actes, le Code noir, Gibby la Cornemuse et deux ou trois petits opéras en un acte, parmi lesquels nous citerons la Perruche, n’est pas un compositeur heureux. Il a manqué jusqu’ici à ce musicien un sujet qui mît en relief les qualités naturelles de son incontestable talent. M. Clapisson a de la gaieté dans l’esprit, de la chaleur, de l’entrain, une certaine verve un peu fruste qui conviendraient à la comédie, mais à la comédie franchement populaire. Au lieu d’obéir à cette vocation, M. Clapisson s’est presque toujours attaqué à des sujets sombres qui ont grossi son style et l’ont poussé au noir. Tels sont aussi les défauts qui se font remarquer dans la nouvelle partition des Mystères d’Udolphe. Nous ne dirons rien de l’ouverture, qui manque de caractère; nous nous contenterons de signaler seulement les couplets agréables d’Éva, que Mme Meyer dit avec gentillesse; le trio du premier acte, l’andante du duo entre M. Dufrêne et Mlle Miolan; au second acte, le duo des deux basses, l’air de soprano que Mlle Miolan chante d’une manière exquise, l’air fort original du comte Udolphe et le finale de ce second acte, consistant en un chœur avec accompagnement de cor qui produirait un très grand effet, s’il était mieux motivé par la situation. N’oublions pas non plus de mentionner