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de la présidence de l’Académie des arts de Saint-Pétersbourg, il avait prouvé qu’il était capable aussi de rendre de précieux services à la grande famille et au pays qui l’avaient adopté. Le nouvel ordre de choses qui va s’établir en France perd en lui, a-t-on assuré, un ferme appui. Toutefois la politique russe n’est point une politique de sentiment. Si elle est prête à reconnaître le nouveau gouvernement français, c’est qu’elle a plus d’intérêt sans doute à le ménager qu’à le combattre.

Les soins que le gouvernement russe semble avoir le plus à cœur en ce moment sont ceux qui regardent les forces militaires de l’empire. Le tsar vient de passer une grande inspection de troupes de terre dans la Russie méridionale. Il a poussé cette excursion jusqu’aux ports de la Mer-Noire, à Nicolaïef et à Sévastopol, visitant avec sollicitude ces deux fortes positions, qui sont comme les yeux de la Russie ouverts sur Constantinople. Le tsar a pris récemment d’ailleurs une décision qui est de nature à imprimer une impulsion nouvelle aux progrès de la marine russe. Depuis le commencement de son règne, et surtout depuis vingt ans, il a beaucoup sacrifié à ce grand intérêt. C’est à l’empereur Nicolas que la Russie doit la fondation et l’organisation actuelle du ministère de la marine, et afin de couronner cette institution, à laquelle un grand rôle est assigné dans les prévisions de la politique russe, le tsar a voulu placer à la tête de ce département son second fils, le grand-duc Constantin. L’Europe n’ignore point la capacité distinguée du jeune prince, ni la fermeté de son caractère. On sait de même que c’est surtout dans le grand-duc Constantin que l’empereur aime à se reconnaître. Le choix qu’il vient de faire a donc une signification bien marquée. Il faut que la marine russe accomplisse un nouvel effort, et qu’elle puisse un jour se présenter de pair avec les troupes de terre. Or le développement des forces maritimes de la Russie rencontre, dès qu’il arrive à un certain degré, un obstacle qui irrite vivement l’ambition de ce pays. À quoi bon une marine de premier ordre pour parader dans la Baltique, fermée la moitié de l’année par les glaces, et dans la Mer-Noire, fermée par le traité protecteur de Constantinople ? Il n’y a qu’un moyen de vaincre la difficulté, et ce moyen, chacun le devine. Aussi l’accroissement maritime de la Russie est-il le fait le plus inquiétant qui puisse se produire pour la puissance qui sépare l’empire russe de la Méditerranée. Cette malheureuse et aveugle Turquie semble encourager par ses fautes volontaires tous les calculs que la Russie a pu fonder sur la dissolution de cet empire. Aussi l’opinion, toujours prompte à regarder comme probable tout ce qui est possible, suppose-t-elle que le nouveau congrès dont il parait être question, et qui réunirait à Varsovie l’empereur d’Autriche et le tsar, aura pour spécial objet les affaires d’Orient. Ce qu’il y a de certain, c’est que la Russie suit avec la plus grande attention le développement de la crise ottomane, et qu’elle ne négligera rien pour en profiter.

La nouvelle politique des États-Unis, la politique de conquête et d’expansion démocratique, triomphe et domine de plus en plus ; en ce moment même, elle inquiète Cuba et agite le Mexique. Le suffrage universel va lui donner son adhésion dans l’élection du premier magistrat de la république, et la mort la débarrasse de tous les obstacles intérieurs qu’elle aurait pu rencontrer dans le congrès ou dans les conseils du gouvernement, en frappant tour à