sacrifiés et à améliorer le sort des classes agricoles. Rien n’est plus équitable que ce dessein ; reste la question des moyens à employer pour arriver à un résultat de ce genre, et sur laquelle le parlement pourrait bien encore avoir des inquiétudes. Cette question du libre échange et d’une compensation à donner aux classes agricoles sera sans doute traitée à fond dans la discussion que les whigs ont fait annoncer par l’organe de M. Villiers. En attendant, le système protecteur a reçu aussi un rude coup du discours que lord Palmerston a prononcé dans cette même séance du 12. Lord Palmerston a abordé très nettement la question du free trade et déclaré sa ferme intention de combattre quiconque essaierait de relever la protection. Est-ce un avertissement donné aux tories, et lord Palmerston a-t-il voulu leur faire entendre que, cette question exceptée, ils pouvaient compter sur sa neutralité ou son concours ? Le cabinet tory est sauvé maintenant, s’il ne continue pas trop longtemps son système de réticences, ses velléités impuissantes et ses regrets stériles du système protecteur. Il aura été sauvé sans déshonneur pour lui, sans avoir abaissé son drapeau devant les partis, à qui il peut répondre maintenant : « J’ai été vaincu, non par vous, mais par la nation. »
En Prusse, les élections qui viennent d’avoir lieu ont fait un moment diversion aux préoccupations causées par la crise douanière. Bien qu’il soit encore difficile de préciser dans ses détails le résultat des votes, il est du moins constaté que la majorité est conservatrice et ministérielle. À vrai dire, la lutte a été peu animée et le terrain peu disputé. Les radicaux avaient systématiquement déserté l’arène, et les constitutionnels ne s’y sont présentés qu’avec une foi bien tiède dans les chances de leur parti. Si l’on pouvait douter de l’influence qu’exercent les uns sur les autres, par la seule force des choses, les divers états de l’Europe, l’état des opinions en Prusse en offrirait l’irrécusable exemple. Il est facile de voir aujourd’hui que le découragement si complet qui s’est emparé du parti libéral en France s’est communiqué aux libéraux de Berlin, et fait chaque jour de nouveaux progrès dans leurs rangs. Les idées du roi de Prusse sont bien connues, car la franchise est une des qualités de ce caractère original et vraiment germanique : Frédéric-Guillaume n’est point favorable à la constitution prussienne. Les élections récentes, en donnant la majorité au ministère, ramènent l’idée, déjà plus d’une fois débattue, d’une réforme de cette constitution. Un coup d’état n’est point nécessaire pour atteindre le but que l’on se propose. Le ministère peut en toute sécurité préférer la voie d’une révision légale ; les chambres l’y suivront vraisemblablement sans une résistance bien vive. Il ne s’agit point d’ailleurs de rompre entièrement avec le système constitutionnel. Le gouvernement prussien craindrait de perdre la réputation de libéralisme qui a fait jusqu’à ce jour une partie de sa force au milieu des vicissitudes fédérales. Dans la lutte diplomatique engagée pour J’exercice de la prépondérance en Allemagne, le régime constitutionnel est le seul avantage que la Prusse ait sur sa rivale, le seul qu’elle offre aux populations de la confédération, et que l’Autriche ne puisse point leur promettre. Cette considération met la Prusse à l’abri d’une réaction qui autrement ne demanderait pas mieux que d’être complète.
L’Autriche comprend de son côté que l’opinion des populations allemandes n’est point à dédaigner dans cette rivalité d’intérêts qui partage aujourd’hui