Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/794

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sorte publiquement auprès du grand-duc contre un acte juridique. Le grand-duc a demandé à la mission protestante ses lettres de créance, et, ne les ayant point trouvées en régie, il n’a point reçu les honorables délégués : cela était assez simple à prévoir. Mais, ceci écarté, la question n’en reste pas moins entière. C’est aujourd’hui au gouvernement toscan laissé à lui-même, à son mdépendance, de considérer quelle utilité, quelle opportunité il peut y avoir à s’armer de châtimens sévères contre des faits d’un caractère tout religieux.

Nous racontions tout à l’heure quelques-unes des vicissitudes du système parlementaire. Ce régime est-il destiné à vivre long-temps encore en Espagne ? C’est un problème qui ne peut manquer maintenant d’être prochainement résolu. On sait quelle est politiquement la situation de la Péninsule. Le coup d’état du 2 décembre, en allant retentir à Madrid il y a bientôt un an, provoquait la suspension immédiate des cortès. Depuis cette époque, le parlement n’a point été réuni de nouveau. Le cabinet espagnol a assumé la périlleuse et laborieuse responsabilité de diriger le pays par sa propre autorité, abritée sous la prérogative royale. Dans l’ordre matériel, il a multiplié les mesures. Dans le domaine politique, là où il l’a jugé nécessaire, il a agi également et a suppléé à la loi par des décrets. Il a placé notamment la presse sous un régime sévère. Plus d’une fois des bruits de coups d’état ont été dans l’air, sans arriver jamais à se réaliser. Quant au fond même des choses, il n’est point douteux que la pensée du gouvernement s’est depuis long-temps fixée sur certaines modifications dans les institutions actuelles de l’Espagne. L’incertitude, à vrai dire, n’existait que sur les moyens de procéder à ces modifications. Serait-ce avec l’aide des cortès ? serait-ce sans leur concours ? Cette incertitude elle-même est levée aujourd’hui. Les cortès sont convoquées pour le 1er décembre prochain. Le terme extrême de la suspension légale des travaux législatifs était d’ailleurs arrivé, la constitution prescrivant la convocation annuelle des chambres. Ce sont donc les cortès qui vont avoir à statuer sur les projets de réformes constitutionnelles que médite le cabinet de Madrid. Ce sera là leur premier, peut-être leur seul acte politique. Ces projets portent sur l’institution du sénat, qui serait transformé de corps viager en corps héréditaire, sur la loi électorale, sur le règlement intérieur de la chambre élective. De toute manière, c’est une diminution de la vie parlementaire, qui rentre dans l’ordre des tendances actuelles de l’Europe.

Mais, dira-t-on, qu’arriverait-il si les cortès ne sanctionnaient point ces réformes ? Il est infiniment probable, d’après toutes les apparences, que les cortès seraient dissoutes, et que les réformes ne laisseraient point de s’accomplir par la seule, autorité royale. Ce n’est point à coup sûr une entreprise sans péril, d’autant plus que le cabinet espagnol ne trouvera pas seulement en face de lui les progressistes, adversaires naturels de toute politique conservatrice, mais qu’il rencontrera encore quelques-uns des hommes les plus éprouvés du parti modéré, M. Mon, M. Pidal, des généraux qui ne prêteront point sans doute leur épée aux séditions, mais qui pourraient être aussi peu portés à les réprimer. Dans tout autre moment, le simple soupçon de projets de ce genre eût suffi pour jeter l’émotion et susciter dans le pays les signes avant-coureurs des commotions. Aujourd’hui, il faut bien le dire, il y a plus d’indifférence dans la masse nationale. Cela tient à ce que l’Espagne est prise,