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M. Minghelli sur la Réforme des prisons et l’assistance publique. M. Minghelli est un criminaliste philanthrope fort au courant de cette question pénitentiaire, qui en soulève tant d’autres de politique et de morale. Son essai est l’analyse des divers systèmes si longuement discutés parmi nous. En général, s’il faut le dire, dans tous ces systèmes pénitentiaires, il y a quelque chose qui nous arrête : n’est-il pas surprenant que sur un point où la justice est si fort engagée, où l’efficacité du châtiment est la première loi, on semble ne s’occuper que du bien-être des condamnés ? Nous ne parlons pas même des cas où, par une interprétation bizarre, par une erreur déjà sans doute redressée, on fait jouer le vaudeville aux forçats. Cela ne dénote-t-il pas qu’on est, en ces matières, sur une pente redoutable ? Il y a de quoi faire réfléchir à Paris comme à Turin, puisque, là aussi, les esprits commencent à aborder les problèmes.

Le régime parlementaire reste donc pour le moment à Turin ce qu’il était précédemment. Le Piémont est même le seul point de l’Italie où ce système de gouvernement ait survécu ; à Rome, il n’a été qu’une faction ; à Naples et à Florence, il n’a fait que paraître un instant, en 1848, pour devenir encore plus impossible par les catastrophes qui se sont mêlées à ses premières applications. La vie publique de ces pays se caractérise aujourd’hui par d’autres faits, par d’autres tendances qui rejettent assez loin des pratiques constitutionnelles. À Naples, le roi Ferdinand vient de faire en Sicile un de ces voyages princiers qui semblent si bien réussir en ce moment. Il a trouvé la Sicile pacifiée et calmée sous la main du général Filangieri ; il a rencontré cette fois des ovations là où en 1848 on proclamait sa déchéance. Le roi Ferdinand a montré d’ailleurs au même instant que les sévérités de son gouvernement étaient susceptibles de fléchir. Il a publié une large amnistie qui profitera à plus d’une victime des dernières révolutions. Après tout, la clémence n’est-elle pas un des plus heureux moyens de clore ces époques de troubles et de tempêtes universelles ? À la clémence qui s’applique aux personnes, ajoutons, comme moyen plus général et plus puissant encore, la politique intelligente, l’administration équitable, en un mot cette direction de gouvernement qui vise à satisfaire les droits légitimes, les besoins et les intérêts. C’est là une voie où le roi de Naples peut recueillir d’heureux fruits.

Quant à la Toscane, elle vient de voir se produire à côté du procès Guerrazzi, qui continue toujours, un incident qui ne laisse point que d’avoir éveillé une assez vive émotion en Europe par son caractère tout religieux. Il ne s’agit de rien moins, en effet, que de savoir si de notre temps les divers cultes doivent se poursuivre mutuellement par des restrictions qui dépasseraient le but, et par des pénalités qui seraient elles-mêmes une arme dangereuse. Deux personnes, les époux Madiai, ont subi un jugement et une condamnation assez sévère à Florence, sous l’inculpation de prosélytisme dans un intérêt protestant. Tel est le fait en lui-même. Nous n’ignorons aucune des considérations qui militent en faveur du gouvernement toscan. La liberté des cultes n’existe point à Florence, et ce jugement n’est qu’une application régulière de la loi. D’un côté, peut-être est-il étrange qu’une mission extra-diplomatique, composée de protestans d’Angleterre, d’Allemagne et de France, se soit crue dans l’obligation d’intervenir en quelque