Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/75

Cette page a été validée par deux contributeurs.
BEAUMARCHAIS, SA VIE ET SON TEMPS.

d’abord au jeune artiste une certaine notoriété, il a soin de la cultiver, et, un an après, sous prétexte de rendre justice à un autre horloger nommé Romilly, il adresse au Mercure une nouvelle lettre de laquelle j’extrais les passages suivans :


« Paris, le 16 juin 1755. »

« Monsieur, je suis un jeune artiste qui n’ai l’honneur d’être connu du public que par l’invention d’un nouvel échappement à repos pour les montres, que l’Académie a honoré de son approbation et dont les journaux ont fait mention l’année passée. Ce succès me fixe à l’état d’horloger, et je borne toute mon ambition à acquérir la science de mon art. Je n’ai jamais porté un œil d’envie sur les productions de mes confrères : cette lettre le prouve ; mais j’ai le malheur de souffrir fort impatiemment qu’on veuille m’enlever le peu de terrain que l’étude et le travail m’ont fait défricher. C’est cette chaleur de sang, dont je crains bien que l’âge ne me corrige pas, qui m’a fait défendre avec tant d’ardeur les justes prétentions que j’avais sur l’invention de mon échappement, lorsqu’elle me fut contestée il y a environ dix-huit mois. ..........

« Je profite de cette occasion pour répondre à quelques objections qu’on m’a faites sur mon échappement dans divers écrits rendus publics. En se servant de cet échappement, a-t-on dit, on ne peut pas faire de montres plates ni même de petites montres, ce qui, supposé vrai, rendrait le meilleur échappement connu très incommode. »


Suivent quelques détails techniques après lesquels Beaumarchais termine ainsi :


« Par ce moyen, je fais des montres aussi plates qu’on le juge à propos, plus plates qu’on en ait encore fait, sans que cette commodité diminue en rien leur bonté. La première de ces montres simplifiées est entre les mains du roi ; sa majesté la porte depuis un an, et en est très contente. Si des faits répondent à la première objection, des faits répondent également à la seconde. J’ai eu l’honneur de présenter à Mme de Pompadour, ces jours passés, une montre dans une bague de cette nouvelle construction simplifiée, la plus petite qui ait encore été faite : elle n’a que quatre lignes et demie de diamètre et une ligne moins un tiers de hauteur entre les platines. Pour rendre cette bague plus commode, j’ai imaginé en place de clé un cercle autour du cadran, portant un petit crochet saillant ; en tirant ce crochet avec l’ongle environ les deux tiers du tour du cadran, la bague est remontée, et elle va trente heures. Avant que de la porter à Mme de Pompadour, j’ai vu cette bague suivre exactement pendant cinq jours ma pendule à secondes : ainsi, en se servant de mon échappement et de ma construction, on peut donc faire d’excellentes montres aussi plates et aussi petites qu’on le jugera à propos.

« J’ai l’honneur, etc.

Caron fils, horloger du roi. »


Cette lettre et la signature prouvent que le jeune Caron a déjà fait un petit bout de chemin ; au lieu de signer horloger tout court, il signe maintenant horloger du roi. Il a ses entrées au château de Ver-