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il écrit mémoires sur mémoires, il prêche le réveil du patriotisme, il le prêche aux souverains d’abord, sauf à s’adresser plus tard, s’il le faut, aux instincts démocratiques et à déchaîner les tempêtes. Quand la guerre est ouverte entre la France et la Prusse, bien qu’il ne croie pas aux heureux résultats de la campagne, il demande et obtient la mission d’administrer l’armée. Il ferait volontiers, au milieu de ces régimens sans enthousiasme, ce que faisaient les commissaires de la république auprès de nos immortelles armées de 92 et de 93; il unirait l’activité intelligente d’un Carnot aux impatiences des envoyés de la convention : il décréterait la victoire. Il s’efforcera du moins de propager les sentimens qui l’animent. N’eût-il fait autre chose pendant la terrible période qui s’ouvre pour l’Allemagne en 1792, son nom aurait sa place marquée dans l’histoire de ce pays.

Stein assiste à la première campagne contre la France; il est auprès de son roi et du duc de Brunswick au camp de Mayence; il voit de près les divisions qui affaiblissent l’armée, les jalousies des généraux, l’hostilité de la Prusse et de l’Autriche; il voit se former, chez les Prussiens surtout, le parti qui veut la paix, ce parti contre lequel il luttera toute sa vie. Les généraux de Kalkreuth et de Manstein, le diplomate Lucchesini, sont à la tête de ce mouvement. Tout languit dans l’armée prussienne; les vieux officiers ne peuvent s’habituer à l’idée de combattre sous le même drapeau que les Autrichiens; les plus jeunes ne cachent pas leurs sympathies pour les principes de 89. Le roi seul croit à la nécessité de la guerre, et Stein l’entretient avec feu dans ses résolutions. Stein est-il un politique? est-ce un esprit supérieur qui juge bien l’état de l’Europe et les relations réciproques des peuples? Nullement. Il ne possède ni la grandeur des vues ni l’impartialité. Ce n’est pas un homme d’état supérieur, c’est un patriote, un patriote enthousiaste et fougueux, qui met ses colères au service de sa politique dans une période de crise. Aveuglé par cette passion, il commettra bien des fautes, il obéira à des entraînemens illégitimes, et attirera sur sa patrie les dernières infortunes; mais un jour, après vingt ans d’efforts, de rancunes, de fureurs mal contenues, il réussira enfin, il communiquera sa colère à des millions d’hommes, et préparera la chute d’un puissant empire.

Rien de plus inique assurément que la guerre de 1792. La Prusse et l’Autriche, en attaquant la France, n’avaient pour elles ni la politique ni le droit, et les découragemens de l’armée auraient dû être un avertissement assez clair; mais est-il question, aux yeux de Stein, d’habileté ou de justice? Il ne voit qu’une seule chose en Allemagne, l’affaiblissement de l’esprit public; si la guerre peut mettre fin à ces défaillances du patriotisme, si la guerre peut relever le sentiment national, la guerre est sainte. On a de lui une foule de lettres, datées de