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signés de ma main, il m’a renvoyé l’un des deux après l’avoir signé et daté de la sienne, et il a gardé l’autre ; si celui-là ne s’est point trouvé dans ses papiers, ou il l’a détruit ou perdu, ou vous-même, qui ne quittiez pas la chambre du défunt, vous l’avez soustrait avant l’inventaire, pour l’empêcher de servir de justification à celui que je vous présente. Quant à moi, je prouve la vérité et la sincérité de cet acte non-seulement par l’acte même, mais par plusieurs lettres de Du Verney que je vous présente également, dont je vous défie de contester l’écriture, et qui toutes sont des réponses à des demandes que je lui adressais relativement à cet arrêté de comptes, et auxquelles il répondait de sa main sur-le-champ et sur la même feuille de papier contenant la demande, suivant l’habitude ou nous étions de correspondre ainsi depuis dix ans. Je vous présente même une de ces lettres où Du Verney m’écrit : Voilà notre compte signé. Que pouvez-vous répondre à ceci ? » Maître Caillard, l’avocat du comte de La Blache, ne se démontait pas pour si peu. « Ceci, disait-il, est une preuve de plus de la fraude du sieur de Beaumarchais. Les billets qu’on nous présente sont peut-être écrits de la main de Du Verney : nous l’accordons ; mais ils sont courts, vagues, insignifians. Ils ne sont point datés, ils ont été écrits à une autre époque et pour quelque autre objet, et les prétendues demandes datées, auxquelles ils servent de réponse, ont été adossées après coup sur la même feuille par le sieur de Beaumarchais. Quant à la lettre où Du Verney écrit : Voilà notre compte signé, elle s’applique à quelque autre compte. » L’inspection des lettres détruisait cet injurieux raisonnement, car les réponses de Du Verney, quoique moins explicites naturellement que les demandes de Beaumarchais, qui toutes s’appliquent au règlement de comptes, ne peuvent s’adapter qu’à ces demandes. Dans quelques-unes même, la demande de Beaumarchais et la réponse de Du Verney sont, non pas adossées, c’est-à-dire l’une sur la première page, l’autre sur la troisième d’une feuille double, mais toutes deux sur la même page, et la réponse de Du Verney à la suite de la demande de Beaumarchais, ce qui rendait impossible la fraude que supposait l’avocat. Et enfin, si ces réponses de Du Verney ne s’appliquaient pas aux demandes de Beaumarchais, écrites après coup, elles s’appliquaient donc à d’autres demandes, à d’autres lettres de Beaumarchais, qui devaient se retrouver dans les papiers de Du Verney : pourquoi l’adversaire ne les présentait-il pas, lui qui présentait toutes les lettres de Beaumarchais à Du Verney dont il croyait pouvoir tirer parti ?

Tel est l’exposé exact de la discussion déplorable que dut subir si long-temps Beaumarchais, obligé, on le voit, de gagner son procès, ou de passer pour un faussaire. Ce qu’il y avait de particulier dans cette affaire, c’est-à-dire l’absence du double de l’acte en question, sa physionomie un peu embrouillée, le caractère un peu obscur de la