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BEAUMARCHAIS, SA VIE ET SON TEMPS.

compagnie de Jésus, où le père de Beaumarchais aurait placé son fils. Cependant plusieurs lettres de ce dernier laissent quelques doutes sur ce point ; dans l’une, il parle de ses promenades dans Paris les jours de sortie, ce qui semblerait indiquer le séjour dans un collège de Paris, à moins qu’on ne le fît venir d’Alfort ; dans une autre lettre adressée à Mirabeau en 1790, Beaumarchais raconte qu’à l’âge de douze ans, prêt à faire sa première communion, on le conduisait au couvent des Minimes qui existait alors au bois de Vincennes, et qu’il y avait pris fort en gré un vieux moine qui le sermonnait en assaisonnant ses sermons d’un excellent goûter. « J’y courais, ajoute-t-il, tous les jours de congé. » Ceci n’est peut-être pas en rapport avec le renseignement fourni par Gudin. Cependant on peut encore supposer que l’écolier venait d’Alfort les jours de congé et passait par Vincennes, en se rendant rue Saint-Denis. Ce qui est certain, c’est que Beaumarchais resta peu de temps au collège ; il en sortit à treize ans. Je trouve dans ses papiers une pièce curieuse qui sert à la fois à constater ce fait, en même temps qu’elle fournit les moyens de connaître avec précision l’état intellectuel et moral du jeune Caron à l’âge de treize ans, précisément à l’âge de Chérubin.

Un philologue connu par la hardiesse de ses recherches étymologiques prétend que cette création de Chérubin a été empruntée par Beaumarchais à l’un des plus jolis romans du moyen-âge, le petit Jehan de Saintré. Je ne sais si Beaumarchais a jamais lu le petit Jehan de Saintré ; je ne vois pas beaucoup de rapport entre le charmant damoisel du XIVe siècle, à qui la Dame des belles cousines a tant de peine à arracher son secret, qui a tant besoin d’être encouragé, bien qu’il ait déjà trois mois plus que seize ans, et le pétulant vaurien du XVIIIe siècle qui, avec ses treize ans, en conte à Suzanne, à Fanchette, même à la vieille Marceline parce qu’elle est une femme, et qui en conterait très aisément à sa marraine pour peu qu’elle cessât d’être imposante. La physionomie de Chérubin est tout-à-fait moderne ; il n’y a guère en lui de moyen-âge que sa romance. Pour trouver ce personnage d’adolescent précoce, spirituel et un peu effronté, Beaumarchais n’a pas eu besoin de remonter jusqu’au XIVe siècle : il lui a suffi de consulter ses propres souvenirs et de se peindre lui-même à treize ans, car il a été au complet l’original de Chérubin.

La première production sortie de la plume du vrai Chérubin est une lettre mélangée de prose et de vers écrite par Beaumarchais, à treize ans, à ses deux sœurs en Espagne. Cette pièce inédite est doublement intéressante en ce qu’elle est commentée par l’auteur à soixante-six ans. Une note générale de Beaumarchais-Géronte explique d’abord la lettre de Beaumarchais-Chérubin.


« Premier mauvais et littéraire écrit, par un polisson de treize ans sortant