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sommaire dont il n’y avait aucune induction à tirer. Quand la chambre de commerce de Paris se trouva ainsi dégagée de son mandat, elle possédait déjà des informations précieuses, recueillies au prix des plus grands sacrifices. Il eût été infiniment regrettable que ces matériaux fussent perdus pour le public. La chambre se mit donc en devoir de les utiliser, non plus en s’asservissant au programme primitif, mais dans les formes qu’elle jugea les plus convenables pour Futilité du commerce parisien. Telle est l’origine d’une des publications les plus volumineuses et les plus instructives faites en ces dernières années, la Statistique de l’Industrie à Paris.


I. — RÉSULTATS OFFICIELS.

« Constater d’une manière précise les conditions de la production manufacturière à Paris, son importance en valeur, la division des occupations, le nombre des entrepreneurs et sous-entrepreneurs d’industrie, celui des travailleurs, les conditions et le taux des salaires, la durée et l’intensité des chômages : » tel est le cadre que les auteurs de l’enquête se sont tracé, et qu’ils ont voulu remplir, « sans se préoccuper des discussions de doctrine, sans même chercher à prévoir toutes les conséquences qu’il serait possible de déduire ultérieurement des faits recueillis et constatés. »

Se représente-t-on l’immensité d’une pareille tâche? La chambre de commerce commence par choisir dans son sein une commission directrice de sept membres[1]. La haute surveillance est confiée à M. Horace Say, nommé rapporteur : on lui adjoint deux auxiliaires, pris en dehors de la chambre, l’un, M. Natalis Rondot, chargé du travail extérieur consistant à diriger les interrogatoires; l’autre, M. Léon Say, chargé, à l’intérieur, de classer et analyser tous les renseignemens recueillis. On ne tarde pas à reconnaître qu’en se bornant, comme dans les enquêtes précédentes, à consulter un certain nombre de notabilités, on n’obtiendra que des notions approximatives et contestables. On se décide à aborder sans exception tous les individus travaillant pour leur compte, en sollicitant de franches réponses sur les points qu’on désire éclaircir. On ne recule pas devant l’obligation de visiter une à une les 32,000 maisons de Paris. La grande ville, subdivisée en 362 circonscriptions, correspondant aux compagnies de l’ancienne garde nationale, est parcourue par des recenseurs gagés, qui partent chaque matin avec l’indication précise des maisons à explorer. On dresse chez chaque industriel un bulletin détaillé répondant à une longue série de questions. Au moindre doute qui s’élève, on envoie un second, un troisième agent, pour contrôler les précédens rapports. On procède ainsi dans 66,000 ateliers, et comme chaque recenseur ne peut recueillir que 20 à 25 bulletins par jour, le seul interrogatoire des fabricans exige 3 à 4,000 journées d’employés. Les documens étant réunis, commence à l’intérieur un énorme travail de classement, de dépouillement, de vérification, d’analyse, de rédaction. M. Horace Say compose des rapports lumineux pour éclairer cette immense accumulation de

  1. Cette commission fut composée de MM. Ch. Legentil, président, Denière fils, Hachette, Ledagre, Letellier de La Fosse, Germain Thibaut et Horace Say.