Des sigles, gravés au champ du médaillon, paraissent indiquer l’âge du vieux bourguemestre dont on a voulu perpétuer la ressemblance. Qui devinerait que cette image est celle d’Attila? « Le peuple le croit, nous dit Schoepflin, et beaucoup d’érudits l’ont cru. » Ainsi la chrétienne Strasbourg prenait pour patron le roi des Huns, tandis que non loin de là une autre ville tout aussi chrétienne, Cologne, le maudissait devant les reliques des onze mille vierges. Le nom de cet homme remplissait tout le nord des Gaules, et les contradictions mêmes où les peuples tombaient à son sujet démontraient combien sa grandeur avait laissé de traces parmi eux.
Je me hâte d’arriver aux légendes qui nous donnent comme point culminant de la tradition l’Attila flagellum Dei (fouet ou fléau de Dieu), en qui se résume, chez les races latines, l’idéal du roi des Huns. Le simple historique de ce mot nous initiera mieux que toute autre chose aux procédés de l’esprit humain dans le travail des traditions, et particulièrement dans l’œuvre traditionnelle du moyen-âge. Transportons-nous en esprit au milieu des générations chrétiennes du Ve siècle. Demandons-leur sous quelle face leur apparut d’abord l’invasion d’Attila, et à laquelle des péripéties de cette courte, mais sanglante guerre s’attacha la plus vive émotion pour le présent, et ensuite le plus long souvenir. L’histoire s’est chargée de la réponse.
Dans la multitude de faits de tout genre qu’avaient présentés les campagnes de 451 et 452, il en était trois qui semblaient se distinguer des autres par une certaine teinte d’extraordinaire et de merveilleux, et réclamer une place à part : c’étaient Orléans défendu et préservé par saint Aignan, son évêque, Troyes épargnée sur la demande de son évêque saint Loup, Rome enfin abandonnée par l’empereur et sauvée à la prière du pape saint Léon. Dans tout autre siècle moins mystique que celui-là, cette intervention, trois fois répétée et trois fois heureuse, d’un prêtre conjurant l’esprit de destruction et arrêtant la mort suspendue sur trois grandes cités aurait frappé l’atention des peuples : au Ve siècle, elle l’absorba. Elle devint la circonstance principale et dominante de l’invasion, ou plutôt toutes les autres s’effacèrent devant elle. Communiquant à l’ensemble de la guerre sa couleur merveilleuse, elle lui donna sa signification morale, son caractère dans l’ordre des idées religieuses: ajoutons qu’en dehors du fait particulier, du fait de la guerre, elle fournissait au christianisme une arme inappréciable dans sa lutte encore très vivace contre le paganisme. On avait vu depuis cent ans, à chaque déchirement intérieur, à chaque succès des Barbares, les païens, fidèles à leur vieille tactique, accuser la religion chrétienne des malheurs de l’empire, et celle-ci descendre pour ainsi dire devant le tribunal du monde, forcée qu’elle était de se justifier. Les trois faits dont je parle terminaient toute cette polémique. Quelle réponse plus péremptoire aux accusations! quelle preuve de la puissance de la foi