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LÉGENDES D’ATTILA.





De tous les hommes qui ont eu le triste honneur de bouleverser la terre, aucun peut-être n’a laissé après lui des traditions aussi nombreuses et aussi diverses qu’Attila : la raison en est dans l’action à la fois violente et courte qu’il exerça sur les générations contemporaines. Les impressions d’épouvante chez les uns, d’admiration chez les autres, dépassèrent de beaucoup l’importance des faits qu’une mort prématurée lui permit d’accomplir; mais son souvenir resta immense comme l’émotion qu’il avait causée au monde.

Il faut bien s’attendre à trouver dans cet amas confus de souvenirs descendus jusqu’à nous, à travers le moyen-âge, toutes les contradictions des réminiscences populaires, le vrai et le faux, le possible et l’absurde, le beau et le laid. Gardons-nous pourtant de les traiter avec trop de dédain, même dans ce qu’elles ont d’évidemment fabuleux, en songeant qu’elles ont passé à l’état de croyance héréditaire chez la plupart des peuples de l’Europe, et que c’est de là que sort l’Attila dont l’image vit dans nos esprits; car l’Attila que nous connaissons, tous tant que nous sommes, appartient bien plutôt à la tradition qu’à l’histoire. Mais ce type traditionnel et populaire, comment s’est-il formé? en quoi diffère-t-il de la réalité? pourquoi varie-t-il dans ses caractères essentiels suivant les temps et les lieux? Ces questions, qui se présentent à l’idée toutes les fois qu’on veut mettre de l’ordre dans le chaos des traditions, s’appliquent surtout à celles-ci. J’ai pensé que l’histoire de ces légendes n’aurait peut-être pas moins d’intérêt que l’histoire d’Attila lui-même, qu’en tout cas elle en était le complément obligé[1].

  1. Voyez la série sur Attila dans les livraisons du 1er et du 15 février, du 1er mars et du 1er avril 1852.