ministérielle qui a été la conséquence de ce triste imbroglio ne ramène pas au pouvoir les ennemis de la réforme ; le nouveau grand-vizir a fait partie des derniers ministères de Réchid-Pacha, à la politique duquel on l’a dit jusqu’à ce jour dévoué. On peut donc croire encore que la non-ratification de l’emprunt est un fait isolé, qui n’accuse point la pensée de rentrer dans les funestes erremens du passé. S’il en était autrement, l’Europe n’aurait plus qu’à désespérer de la réforme, pourtant si sagement commencée, et peut-être de l’empire turc ; il n’y aurait plus qu’à imiter la Russie dans les principautés du Danube et l’Autriche en Bosnie, c’est-à-dire à se choisir une place sur les lieux mêmes, dans la prévision d’une catastrophe inévitable : éventualité fâcheuse, car les peuples qui sont désignés comme les héritiers naturels et légitimes des Ottomans, les chrétiens de la Turquie d’Europe, ne seraient peut-être point préparés pour une fortune si prochaine.
La mission diplomatique française qui cinglait, il y a quelques mois, vers la Plata est arrivée à Buenos-Ayres en même temps que la mission britannique. L’envoyé de France et celui de l’Angleterre, M. de Saint-Georges et sir Charles Hotham, ont été officiellement reçus par le général Urquiza, et, dans les paroles prononcées à cette occasion par le nouveau chef de la République Argentine, il n’y a rien qui ne puisse faire croire pour le moment à la reprise de relations fermes et sûres avec ces contrées ; nous disons pour le moment, parce que toutes les difficultés intérieures sont loin d’être réglées et aplanies sur les bords de la Plata. Tout est à faire, tout est à créer au contraire. Un congrès général s’est réuni au mois d’août à Santa-Fé pour statuer sur l’organisation politique de la Confédération Argentine ; on ne sait point encore ce qui sera sorti des délibérations de ce congrès. Il est cependant facile dès ce moment de distinguer un élément nouveau et assez grave dans la situation faite au pays par les derniers événemens. Jusqu’ici, Buenos-Ayres était investie d’une suprématie politique vis-à-vis des autres provinces argentines : c’était elle qui donnait des chefs à la république ; par sa position presqu’à l’embouchure du Rio de la Plata, par son port, elle jouissait d’une sorte de monopole commercial garanti par la clôture du fleuve. Il n’en est plus de même aujourd’hui ; ce sont les provinces qui ont donné un chef à la Confédération Argentine. Enfin l’ouverture des rivières, décrétée par le général Urquiza, va répartir le mouvement commercial sur le littoral du Parana et porter directement la vie jusqu’aux provinces qui occupent le haut des rivières. Il ne faut point s’y méprendre : c’est un grand principe gagné, c’est un bénéfice que nous poursuivions depuis long-temps, et qui vient diminuer les difficultés que notre envoyé pourra rencontrer dans ses négociations. Quant aux résultats immédiats, ils ne sont peut-être pas aussi grands qu’on peut le croire. Pour remonter de Buenos-Ayres jusqu’à l’Assomption, il faudrait deux mois, à peu près le temps nécessaire pour aller d’ici à Buenos-Ayres, — et, en supposant que la vapeur supprime ces distances, où sont les intérêts et les populations qui pourraient alimenter un grand mouvement commercial ? C’est donc une question d’avenir encore plus que du présent. Le mérite de cette mesure n’est point dans les conséquences actuelles ; il est dans le princij)e libéral lui-même et dans les perspectives nouvelles qu’il peut ouvrir pour l’Amérique comme pour l’Europe, en favorisant le développement de l’industrie et du commerce dans ces contrées.