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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 octobre 1852.

Toutes les fois que nous regardons autour de nous, que nous interrogeons les incidens qui se produisent, il est des idées et des impressions que nous ne pouvons nous empêcher de sentir se réveiller dans notre esprit. Chose étrange ! voici un pays qui se plaît à jouer avec les révolutions, et qui n’a jamais plus la haine des révolutions que lorsqu’il lui arrive d’en faire. Moralement et politiquement il y a un phénomène des plus curieux à observer. Dès que la France, par surprise, par mégarde, par oubli d’elle-même, se laisse choir en l’état républicain, elle n’a plus de trêve qu’elle ne voie se rouvrir devant elle quelque perspective monarchique, et aussitôt elle marche vers ce point qu’on lui montre avec cet entraînement de logique qu’elle porte en tout. Deux fois cela est arrivé en soixante ans ; deux fois les mêmes tentatives ont abouti aux mêmes résultats. Ah ! si les fauteurs des idées républicaines savaient voir, comme ils apercevraient vite que la plus sûre chance pour la république de conserver sa popularité et son prestige, ce serait de n’exister jamais ! Tant qu’elle n’existe pas du moins, on se plaît à la regarder comme le rêve ou l’idéal des âmes généreuses. Les esprits qui se dévouent à son culte, on les tient pour fort aventureux peut-être, mais à coup sûr pour les privilégiés du progrès. Pour peu qu’on veuille faire l’éloge d’une monarchie, on dit que c’est la meilleure des républiques. Songez donc ! un état où chacun se doit gouverner soi-même, où doit régner la liberté universelle, la justice universelle, où il n’y aura plus ni police, ni armées permanentes, ni pauvres, ni ignorans ! N’est-ce point là un merveilleux thème d’opposition contre tous les gouvernemens ? N’est-ce point un magnifique idéal du haut duquel on peut pulvériser à l’aise toutes les tentatives sensées, modérées, pratiques ? Dès que la république devient une réalité, alors c’est autre chose ; la scène change. Au lieu des perspectives infinies, on ne sait plus si on vivra le lendemain : tout s’arrête, les intérêts se sentent menacés, le toit du foyer