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Hérode, accusé devant Antiochus et mandé en Syrie, donne la vice-royauté à Joseph, époux de sa sœur Salomé, et lui ordonne d’étrangler Marianne à la première nouvelle de sa mort. Marianne, qui connaît l’ame soupçonneuse d’Hérode, n’a pas de peine à pénétrer le secret du vice-roi. Elle était disposée à se tuer, si Hérode mourait; mais était-ce à lui de donner un tel ordre? Cette précaution insolente est à ses yeux le plus intolérable des outrages; ce n’est pas la mort qui l’effraie, c’est la défiance d’Hérode qui l’indigne. Désormais elle ne fera rien pour dissiper les craintes de son époux. Qu’il souffre, qu’il pleure de rage, elle n’en sera pas émue; c’est à lui de guérir son mal en triomphant de ses lâches pensées. A son retour de Syrie, Hérode, dès le premier mot, comprend que Marianne a su l’ordre fatal : Joseph l’a-t-il trahi? Joseph est conduit à la mort sans que le roi veuille l’entendre. Bientôt cependant la fierté hautaine de Marianne redouble le tourment d’Hérode : il n’était que défiant, et voilà la jalousie qui s’éveille. Le vice-roi aimait peut-être la reine? Il comptait sans doute sur la mort de son maître? Celui qui a livré le secret du roi a bien pu pousser plus loin son audace? Toutes ces pensées le brûlent, et le sang qu’il a versé est comme un nouvel aliment à la fureur qui le dévore. Comment savoir la vérité maintenant que Joseph n’est plus? Ce double supplice de la jalousie et du remords est rendu avec une pathétique énergie.

Ce n’est pas tout. Hérode va partir encore, et cette fois il est moins sûr de revenir; Antoine l’appelle sur le champ de bataille d’Actium, où se décidera le destin du monde. Le gouverneur de Jérusalem, Soémus, reçoit le même ordre donné naguère au vice-roi : il étranglera Marianne, si Hérode meurt dans la bataille. La bataille est perdue. Antoine s’est tué, et le monde appartient à Octave. Soémus, on le pense bien, ne songe pas à accomplir la volonté d’Hérode. Qui oserait tuer la dernière fille des Macchabées au moment où Hérode n’est plus rien, au moment où le peuple hébreu se soulève contre le tyran et va massacrer ses gardes? La conduite de Soémus est toute tracée : en adroit courtisan, il doit révéler à Marianne la terrible mission qu’il a reçue, et, s’il a paru l’accepter sans horreur, ajoutera-t-il, c’était pour mieux sauver la reine. Que se passe-t-il alors dans l’ame ténébreuse de Marianne? On la dirait étrangère à ce qui vient d’arriver : ces grands événemens, la bataille d’Actium, qui donne l’empire aux ennemis d’Hérode, la chute imminente de son trône, l’insurrection qui va éclater dans les rues de Jérusalem, rien ne la touche; elle est tout entière à son amour et au drame passionné qui s’agite dans son cœur. Si Hérode ne revient pas, elle se frappera elle-même, s’il revient, il faut qu’il soit puni par la plus cruelle des souffrances : elle mettra donc toutes les apparences contre elle-même, elle voudra passer pour adultère. Voyez! des milliers de lumières étincellent dans le palais; partout des fleurs,