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manesque raconté dans les mémoires contre Goëzman, et dont Goethe a fait un drame. Les documens laissés par Beaumarchais offrent peu de renseignemens sur Lisette. Elle était, à ce qu’il paraît, spirituelle et jolie. Après sa rupture avec Clavijo, il fut question de la marier avec un ami de son frère ; mais le mariage n’eut pas lieu, elle revint en France avec sa sœur aînée en 1772, et se retira dans le couvent des Dames-de-la-Croix, à Roye, en Picardie[1].

La troisième sœur de Beaumarchais, Madeleine-Françoise Caron, fut mariée en 1756 à un horloger célèbre nommé Lépine. De ce mariage naquirent un fils qui fut officier dans la guerre d’Amérique, sous le nom de Des Épiniers, qui mourut sans postérité, et une fille mariée à un autre horloger, M. Raguet, qui ajouta à son nom celui de son beau-père, et duquel est issu M. Raguet-Lépine, ancien pair de France sous Louis-Philippe, et mort récemment.

Les deux autres sœurs de Beaumarchais exigent plus de détails. Plus rapprochées de lui par l’âge, elles ont vécu plus long-temps avec lui, et les documens qui nous restent d’elles nous aideront à peindre cet intérieur bourgeois, mais lettré et raffiné, au sein duquel fut élevé l’auteur du Mariage de Figaro.

De toutes les sœurs de Beaumarchais, la plus distinguée est la quatrième, Marie-Julie Caron ; c’est celle dont la tournure d’esprit se rapproche le plus de l’esprit de son frère. Beaumarchais, dans une note, présente Julie comme plus jeune que lui de deux ans seulement ; bien que je n’aie pas la date exacte de sa naissance, je vois, d’après une de ses lettres à elle, qu’elle est née en 1736, par conséquent quatre ans après Beaumarchais ; elle mourut un an avant lui et ne se maria jamais ; sa vie tout entière fut consacrée aux intérêts de son frère, qu’elle aimait tendrement et dont elle était tendrement aimée. Quand l’auteur du Mariage de Figaro prit ce nom de Beaumarchais, qu’il appelle lui-même un nom de guerre, il le donna à la plus aimable de ses sœurs. C’est donc sous le nom de Julie Beaumarchais que Julie Caron a été connue dans le monde, où elle brillait autant par la finesse de son esprit que par l’agrément de son caractère.

Julie n’était pas d’une beauté régulière ; elle avait le nez un peu long,

  1. Je crois qu’elle y mourut, cependant je n’en suis pas sûr. Un des petits-fils de Beaumarchais pense, sans pouvoir l’affirmer positivement, qu’elle est morte en Amérique. À propos d’un drame récent imité du Clavijo de Goethe, on a dit à tort que Lisette finit par un mariage. Les documens que j’ai sous les yeux démentent cette assertion. Ce qui paraît certain, c’est qu’elle n’existait déjà plus, en 1775, au moment du décès du père Caron, puisque, dans les actes judiciaires qu’occasionna ce décès, tous les membres de la famille sont mentionnés, et qu’il n’y est fait nulle mention de Marie-Louise Caron. Il reste toujours un peu étrange pour moi que celle des sœurs de Beaumarchais dont le nom a reçu de lui la plus grande notoriété ait laissé si peu de traces dans ses papiers.