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CHÉRUMAL LE MAHOUT.


RÉCIT DE LA COTE DE MALABAR.




I. — LE BAGGEROW.

Quand on aborde la côte de Malabar par le grand Océan indien, on aperçoit d’abord une chaîne de montagnes dentelées dont les sommets bleuâtres se détachent à peine sur l’azur du ciel. A mesure qu’on s’en approche, les cimes secondaires, qui empruntent une teinte plus sombre aux forêts dont elles sont revêtues, se montrent plus distinctement; elles s’allongent en lignes régulières, comme les degrés d’une gigantesque terrasse. Enfin semble surgir du sein des flots, derrière l’écume argentée qui la bat sans cesse, la rive sablonneuse partout couverte de cocotiers. Ces beaux arbres, symbole d’un climat tropical, poussent en bosquets serrés tout le long de la côte, depuis l’île de Salsette jusqu’à Ceylan, où ils atteignent une hauteur extraordinaire. A leur pied et sous l’ombre plus dense des bananiers s’abritent d’innombrables villages habités par de pauvres pêcheurs; leurs cabanes sont si basses et si bien cachées sous l’épaisseur du feuillage, que le navigateur côtoyant le rivage à la distance d’une demi-lieue n’en soupçonne pas même la présence. Partout où la nature a creusé un port, au fond des golfes et à l’embouchure des rivières, se sont élevées des villes plus ou moins célèbres dans l’histoire : Bombay, Goa, Cananore, Cochin, Calicut, Quilon. Une foule de petits souverains se partagent cette région fertile où abondent les plus riches productions de la terre. Ils y vivent tranquilles dans le luxe et la paresse asiatiques, sous le bon plaisir et la coûteuse