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d’inspirations de l’art païen), les peintures de Giotto, de Cimabuë, d’Orcagna, les hymnes d’église, l’éloquence chrétienne de saint Bernard et de saint Bonaventure, Dante enfin, voilà la part du christianisme dans le domaine de l’art. Sans la dédaigner assurément, nous avions cru qu’elle était plus grande encore. Cette basilique qui est à elle seule une ville, qui a son atmosphère, son jour, presque sa population propre, élevée sur les ruines du mystérieux Vatican, nous offrait quelque image de l’unité incomparable et de la grandeur lumineuse de l’église catholique. Erreur : ce Panthéon élevé dans les airs est une débauche de paganisme. Nous admirions dans les bras de la Madone de Dresde toutes les grâces de l’enfance unies à la majesté divine; nous nous trompions : cet enfant divin a les formes trop arrondies, il tient de l’amour païen. Il nous semblait que Michel-Ange avait vu passer sur le visage de ses prophètes la lueur de quelque rayon céleste, et que Bossuet avait recueilli quelques échos inconnus de leur voix. Cela n’est pas : Michel-Ange a trop étudié la statuaire antique, et les poses de ses personnages rappellent la Niobé ou le Laocoon. Dans le lyrisme impétueux, mais pourtant savant, de Bossuet, dans ses peintures animées, mais profondes, Tacite ou Tite-Live pourraient avoir quelque chose à reprendre. Il faut remonter jusqu’au-delà du XVIe siècle pour trouver une littérature et un art qui aient rompu tout pacte avec l’impiété.

Ces propositions, auxquelles, encore un coup, nous n’ajoutons rien, complètent notre démonstration. Il est clair que, suivant le système dans lequel se sont rencontrés, sans s’être concertés, le moine savant, l’orateur illustre et le réformateur, jusqu’ici peu écouté, de l’enseignement public, le moyen-âge et le catholicisme sont au fond une seule et même chose. Le moyen-âge a été la réalité imparfaite dont le catholicisme est l’idéal. Dès lors, la conséquence est claire et se déduit sans grand effort de logique. Pour revenir au catholicisme, il faut se rapprocher le plus possible des idées, des sentimens, des habitudes du moyen-âge, — en tout genre, par le cœur au moins, si on ne le peut pas par le fait, — dans la philosophie et dans les arts, si on ne le peut pas dans la politique. C’est là le but auquel il faut tendre aussi rapidement que le permettent la corruption des esprits, le malheur des temps et la force des préjugés.

Serons-nous excusable, si une conclusion aussi hardie nous fait éprouver quelque effroi? Ce n’est pas l’impopularité, si grande au siècle dernier, des souvenirs du moyen-âge qui nous arrête. Par un retour de justice aussi bien que par un caprice de réaction, cette impopularité est aujourd’hui fort diminuée. Les vertus calomniées, le génie défiguré de cette époque ont reçu d’abord de l’impartialité, ensuite de la manie d’exagération de notre âge, des hommages souvent mérités, parfois excessifs. En France, on est toujours sûr que le lieu commun d’hier sera remplacé demain par le paradoxe opposé. D’ailleurs la